La région des Acren dans l'histoire. En province de Hainaut, aux confins des provinces de Brabant et de Flandre Orientale, s'étend, sur les deux rives de la Dendre, entre Lessines et Grammont, le village de Deux-Acren, incorporé depuis les lois de fusion de 1975 dans l'entité de Lessines. Sous l'Ancien Régime, le village actuel était, comme son nom l'indique, constitué essentiellement de deux seigneuries et paroisses distinctes: Acren-Saint-Martin ou Grand-Acren et Acren-Saint-Géréon ou Petit-Acren, toutes deux inclues dans la châtellenie d'Ath. A vocation essentiellement agricole, ces deux villages vont vivre au cours des siècles les péripéties de l'histoire, les luttes entre le comté de Flandre et celui de Hainaut, les conséquences de la Réforme et des guerres de religion, le va-et-vient des troupes françaises et impériales aux XVII° et XVIII° siècles, les troubles des révolutions brabançonne et française..., le tout accompagné de vexations diverses, de rapines, de destructions, d'impositions et de taxes qui, de générations en générations maintiendraient les manants dans une situation des plus précaires. C'est là qu'en 1444, sous le règne de Philippe le Bon, apparaît pour la première fois, dans un document écrit conservé, le patronyme Le Clercq, en la personne de Jehan Le Clercq. A cette époque, la seigneurie de Grand-Acren appartient à la famille de Mastaing; celle de Petit-Acren, venant de la famille d'Harcourt, passe dans celle des Orléans-Longueville. Le Hainaut se remettait à peine d'une famine qui avait duré trois ans, de 1436 à 1439. Cette année-là, les deux seigneuries comptent ensemble un total de 223 foyers; il n'y en aura plus que 203 en 1469. Huit ans après, en juin 1452, les deux villages sont pillés et incendiés par des bandes de Flamands révoltés contre le duc de Bourgogne, appelés Compagnons de la Verte Tente, qui enlèvent chevaux, boeufs et moutons. Des événements semblables se reproduiront en 1488 et 1489, année au cours de laquelle, semble-t-il, fut à jamais détruit le château de Grand-Acren. A ce moment, les deux villages, par suite de l'appauvrissement provoqué par la guerre, ne peuvent payer leur contribution à l'aide due. Les affaires militaires ne sont pas les seules à affecter la population; les épidémies ne manquent pas de s'y ajouter, ainsi que les intempéries et calamités climatiques qui provoquent disette et famine: en 1522, la peste sévit à Lessines; en 1536, le froid est si intense qu'il faut débiter le vin gelé à coups de hache. En 1540, Daniel Le Clercq est cité comme pauvre, habitant à Grand-Acren, qui est alors dans la famille de Montmorency, tandis qu'en 1561, Josse Le Clercq vit au Bois-d'Acren. En 1541, il y a 208 cheminées dans les deux villages; en 1560, il y en aura 164 à Grand-Acren et 56 à Petit-Acren, mais plus de 10% des maisons sont vides. C'est l'époque des guerres de religion, de l'occupation espagnole, des fourragements des troupes dans les campagnes. En 1582, suite au pillage de plusieurs églises des environs, les échevins des Acren prennent une sauvegarde du chef du camp de S. M. établi à Grammont, et vers 1586, le pont sur la Dendre est détruit pour empêcher le passage des ennemis. Cette même année, il fait tellement sec que les blés et récoltes sur pied sont dévorés par les parasites; le sol est tout crevassé et la cherté des grains va durer jusqu'en 1588. Les guerres et persécutions religieuses provoquent une grande misère tant dans les villes que dans les campagnes et incitent à une émigration importante. A Grammont, par exemple, il ne reste debout que le quart des maisons, et les cinq sixièmes des bourgeois ont émigré. La venue du XVII° siècle ne va pas arranger les choses. C'est pourtant au milieu de ce siècle troublé que naît et se développe la principale lignée de Leclercq aux Acren, lignée qui donnera les Declercq du XX° siècle, descendants de Grégoire Le Clercq. Ce ne sera également, pendant ce siècle, que passages de troupes et logements de gens de guerre, le tout à charge des habitants: ainsi, de 1627 à 1637 (cette dernière année, le cantonnement, pendant deux jours et deux nuits, de deux compagnies italiennes coûte 708 livres en rations) et en 1646 ( des troupes y séjournent soixante-neuf jours). En 1658, les Français occupent Grammont et pillent Acren, de même qu'en 1667, après la reddition d'Ath, et en 1675. Les charges amènent une fois encore l'émigration de plusieurs Acrennois notables. Pendant ces années, des épidémies déciment une grande partie des habitants d'Acren; la plus meurtrière sévira de 1668 à 1670. En 1692, un tremblement de terre secouera toute la région. Contributions et occupations militaires continuent toujours à opprimer les villageois. En 1683, les cavaliers français du camp de Lessines s'abattent sur Acren et les environs pour contraindre les habitants à payer l'arriéré des contributions, sous peine d'exécution militaire. Ils ruinent le village qui n'a pu l'acquitter; les maisons sont presque toutes incendiées. Anne Denis, épouse de Grégoire Le Clercq, se réfugie alors à Lessines où elle occupe une chambre dans la maison du sieur Gonthier. Enfin, le siècle se termine par un hiver si rigoureux que les arbres se fendent. Et bientôt débute la guerre de succession d'Espagne, et avec elle de nouvelles dévastations. Aux ravages de la guerre succèdent les réquisitions. En 1706, les troupes campées à Ghislenghien fourragent les prairies des Acren pendant cinq semaines et enlèvent les récoltes. Pour cette année et les trois suivantes, les fermiers, parmi lesquels Guillaume Declercq, obtiennent modération du fermage. C'est aussi l'époque d'une tentative d'introduction du tirage au sort, ressenti comme une tyrannie abominable. Le clergé du Hainaut remontrera au Roi à ce sujet que « les peuples de ce pays aiment plus leur liberté que leur vie; dès qu'on obligera un jeune homme à être soldat, deux autres s'en iront servir dans les troupes étrangères ». Heureusement, de 1725 à 1740, les récoltes sont satisfaisantes plus de la moitié du temps. Ce dernier hiver est pourtant très rigoureux et la cherté des vivres déterminera des maladies tant chez les hommes que chez les animaux. C'est vers cette époque que le tisserand Gilles Declercq quittera Acren pour s'établir à Feluy. En 1744, la guerre de succession d'Autriche entraîne l'invasion de la Flandre par les Français et bientôt l'occupation par eux de tous les Pays-Bas méridionaux. Ils réquisitionnent chariots et pionniers pour la démolition des fortifications de la ville d'Ath. Jusqu'à la Paix d'Aix-la-Chapelle (1748), l'occupation française ruine tout le commerce de la région. Taxes et impositions se succèdent et des levées de milices mettent la désolation dans les jeunes gens de 16 à 40 ans qui doivent tirer. « La pauvreté devint si grande qu'à peine beaucoup de gens avaient du pain à manger, quoique les grains fussent encore à un prix raisonnable, à cause de la sortie qui était défendue ». Pour comble de malheur, en 1745, une épidémie extermine les bêtes à cornes; on défend de tuer les veaux femelles, ce qui permettra au pays d'être assez bien repeuplé dès 1746. Une vache passable valait alors cinquante florins. Enfin, en 1748, est signée la Paix d'Aix-la-Chapelle. Le curé de Lessines écrira dans son journal: « Toute la joie qu'eut le peuple fut la retraite des Français, dont le joug leur était insupportable. Ils ne laissèrent pas de demeurer encore l'été entier et une partie de l'hiver dans les Pays-Bas. (...) On peut dire en général que la France a fait en ce pays tout le mal qu'elle peut. » La seconde moitié du siècle fut, sur le plan politique, heureusement plus calme et plus paisible. Pourtant, les circonstances atmosphériques continuent à perturber le travail des paysans. L'an 1755 est très pluvieux; les grains sont pour la plupart presqu'entièrement germés. Les pois, fèves et une grande partie de l'avoine pourrissent sur la campagne. L'hiver 1759 est rude; en février 1762, des tempêtes de neige avec orage et foudre éclatent sur la région; en janvier et février 1763, pendant sept semaines, il gèle plus de deux pieds sous terre; les moulins cessent de tourner; il faut aller moudre à Lessines; les colzas sont gelés, ce qui cause aux censiers une perte considérable; en mars, les escourgeons et les trèfles le sont à leur tour; ce qui pousse est abattu au printemps par les pluies et le vent, et, au milieu de l'été, le reste est détruit par la grêle. Le 27 septembre 1765, un violent ouragan, accompagné de tonnerre, abat des maisons et découvre des granges. Des toits sont emportés, des censes brûlées, des arbres arrachés ou débranchés. Les années 1767 et 1768 sont mauvaises pour les récoltes. Cela a pour conséquence la cherté des denrées et une forte augmentation du prix des maisons. La chose se représente en 1786, 1787 et 1788 en ce qui concerne les récoltes de blé. A tout cela, on peut ajouter plusieurs tremblements de terre qui secoueront la région en 1755, 1756, 1759, 1760 et 1762. A la fin du XVIII° siècle éclate la révolution dite brabançonne contre le despotisme éclairé de Joseph II. En décembre 1789, les père et fils Bouchet, habitant à Acren, sont chargés de recruter des patriotes volontaires qui seront incorporés dans les compagnies et envoyés en patrouille aux frontières pour empêcher l'exportation de grains. Bientôt, la tourmente révolutionnaire française déborde et se répand dans les Pays-Bas; des émissaires français s'abattent sur les villages du canton de Lessines. A Acren, ils enlèvent et brisent les croix de l'église Saint-Martin. Le 6 janvier 1795, une contribution de 4.000 livres est imposée aux Acren par les représentants du peuple français. A nouveau, ce ne sont que réquisitions de chevaux, de voitures, de charretiers; c'est l'introduction de la conscription avec le tirage au sort obligatoire. Les exactions des agents français déclenchent la triste Guerre des Paysans. En janvier 1796, l'insurrection couve un peu partout, surtout dans le nord-ouest de la province; un « chef de bande » sera passé par les armes à Everbecq tandis que des bandes armées parcourent les cantons voisins. L'opinion n'aime pas le gouvernement et regarde les Français comme des tyrans; le habitants des campagnes sont exaspérés. Les cloches sont enlevées par les révolutionnaires pour avoir sonné le tocsin lors des troubles. C'est Louis Declercq, qui sera en l'an VII agent municipal d'Acren-Saint-Martin, qui ira récupérer les débris de l'une d'entre elles à Mons. Peu à peu, sous le Consulat et l'Empire, la situation va se normaliser. C'est en 1804 que les deux villages seront réunis en un seul. Comme toutes les autres communes, Deux-Acren allait payer son tribu à la conscription. En 1814, quelque 56 Acrennois rentreront de l'armée impériale dans leurs foyers, parmi lesquels Augustin-Joseph Declercq. A la chute de l'Empire, l'invasion des armées alliées entraînera de nouvelles contributions et réquisitions. Le XIX° siècle allait se passer plus calmement, malgré les changements de régimes et quelques graves dépressions économiques. Seul le conflit franco-allemand de 1870 inquiétera quelque peu les populations: les militaires en activité de service seront en effet à cette occasion envoyés aux frontières. Le garde-champêtre Joseph Declercq sera du nombre. Il faudra attendre le premier conflit mondial pour que le village revive une situation qu'il n'avait plus connue depuis plus d'un siècle: invasion et occupation par des troupes ennemies, déportations, vexations diverses, réquisitions des chevaux, du bétail, de la laine, du cuivre, tentative, aussi, d'annexion de la commune à la Flandre Occidentale. Le même tableau se reproduira lors de la seconde guerre mondiale, avec, en plus, le départ, en mai 1940, des jeunes de 17 à 35 ans pour un long périple vers le Midi de la France. Simon Declercq sera du nombre, tandis que son cousin Jean se lancera dans la résistance. |
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