(article
écrit
en
avril
1986
et
publié
dans
les
Annales
du
Cercle
d’Histoire
de
l’Entité
Lessinoise
T.
II-1987
sous
le
titre
«
Le
brigandage
dans
le
canton
de
Lessines.
Nisolles
et
compagnie.
»
;
complété
du
dernier
paragraphe
en
mai
1995.)
Le
5
juin
1807,
l’exécution,
en
place
de
Mons,
de
huit
individus,
mettait
un
terme
aux
activités
de
bandits
redoutables
qui,
pendant
plusieurs
années,
avaient
commis
leurs
forfaits
dans
le
département
de
Jemmape.
Leur
histoire
a
été
évoquée
à
diverses
reprises
par
quelques
historiens.
Ainsi,
il
est
fait
allusion
à
cette
«
Bande
Noire
»
par
Louis
Mélisse
qui
cite
des
renseignements
tirés
de
la
monographie
de
l’abbaye
de
Cambron
du
colonel
Monnier
;
Guignies
lui
consacre
un
paragraphe
dans
son
histoire
de
Lessines
et
Masoin,
une
page
et
demie
dans
sa
biographie
de
Joseph
Braconnier
.
Enfin,
Emile
Chevalier
a
publié‚
un
livre
entier
sur
ce
sujet
en
1905
dans
lequel,
malheureusement,
il
passe
sous
silence
le
rôle
joué
par
Joseph
Braconnier,
juge
de
paix
du
canton
de
Lessines,
dont
les
registres
de
correspondance
contiennent
pourtant
des
renseignements
précieux
sur
cette
affaire.
Reportons-nous
donc
au
début
de
la
période
impériale,
alors
que
la
Belgique
vient
de
traverser
l’époque
troublée
de
l’invasion
française
consécutive
à
la
Révolution
de
1789.
Cette
révolution
a
eu
pour
conséquence
un
profond
bouleversement
des
habitudes
administratives
et
judiciaires
du
pays
;
les
coutumes
féodales
de
l’Ancien
Régime
ont
dû
faire
place,
bon
gré‚
mal
gré‚
aux
nouvelles
lois
républicaines.
Ces
changements,
joints
à
l’incapacité
des
juges
et
des
fonctionnaires,
ainsi
qu’à
la
misère
du
peuple,
avaient
favorisé
l’éclosion
de
ces
bandes
de
«
riffaudeurs
»
et
«
chauffeurs
»
tristement
célèbres
:
la
fameuse
bande
de
la
forêt
d’Orgères
(vingt-trois
condamnations
à
la
peine
capitale
en
1800),
celle
de
François
Salembier
qui
sévit
dans
les
départements
de
la
Lys,
de
l’Escaut
et
du
Nord
(dix-sept
guillotinés
à
Bruges
en
1798)
et,
bien
sûr,
les
«
chauffeurs
»
de
Monneuse
qui
terrorisent
le
nord
de
la
France
et
le
sud-ouest
de
la
Belgique.
Mais
l’exécution
de
ce
dernier
et
celle
de
son
complice
Gérain
à
Douai
en
1798
n’ont
pu
mettre
fin
aux
agissements
de
toute
une
série
de
petits
malfrats.
Le
canton
de
Lessines
convient
parfaitement
à
leurs
activités,
situé
comme
il
est
aux
confins
des
départements
de
Jemmape,
de
l’Escaut
et
de
la
Dyle,
entre
Flandre
et
Wallonie
:
à
Ghoy,
les
Herbo
terrorisent
le
village
;
Papignies
est
sous
la
coupe
d’un
certain
Fontaine
;
à
Oeudeghien,
Willocq,
dit
«
Le
Pire
»,
pratique
la
haine
de
cens,
tandis
qu’à
Biévène,
les
gendarmes
ne
peuvent
arrêter
les
frères
Massart.
Dans
ce
contexte
d’insécurité
arrive
en
1804
à
Bois-de-Lessines
un
homme
de
38
ans,
trapu,
portant
cheveux
courts
et
tatoué
au
poignet
d’un
crucifix.
Jean-Joseph
Boulanger,
dit
«
Quette-Marie-Maison
»,
dit
«
L’Anglais
»,
est
un
ancien
paveur
originaire
de
Blaton.
Mais
c’est
surtout
un
forçat
évadé
du
bagne
de
Brest
depuis
le
4
avril
1804.
En
effet,
le
16
germinal
an
VII
(6
avril
1799),
il
avait
été
condamné,
par
le
tribunal
criminel
du
département
de
Jemmape,
à
vingt-deux
années
de
fer
après
six
heures
d’exposition
sur
la
place
de
Mons,
du
chef
de
vol
qualifié
chez
un
fermier
d’Harchies.
A
Bois-de-Lessines,
il
travaille
deux
mois
chez
un
marchand
de
chicorée
puis
va
errer
vers
Valenciennes,
Condé‚
Boussu,
Pommeroeul,
Sirault
et
Neufmaisons.
C’est
là,
au
hameau
des
Aulnois,
qu’il
se
met
à
fréquenter
une
famille
de
cultivateurs
vivant
davantage
de
rapines
que
du
travail
de
leurs
terres.
Il
s’agit
de
Nicolas
Strebelle,
dit
«
Seigneur
»,
de
Marie-Joseph
Duray,
sa
troisième
épouse,
native
de
Roucourt,
et
de
deux
fils
de
Nicolas
:
François-Joseph
et
Pierre-Joseph.
Une
jeune
fille
de
Pommeroeul,
Marie-Thérèse
Soudoyer,
nièce
d’une
des
deux
premières
épouses
de
Strebelle,
y
fait
de
fréquentes
apparitions
et
y
passe
même
parfois
plusieurs
mois.
C’est
donc
tout
naturellement
qu’à
Pommeroeul
l’Anglais
est
accueilli
chez
le
père
de
celle-ci,
François
Soudoyer,
dit
«
Pérou
»,
dit
«
Le
Doyen
».
Là
vivent
aussi
Catherine
Decroly,
épouse
du
Pérou,
Marie-Catherine
Soudoyer,
soeur
de
Thérèse,
et
Désiré,
son
frère,
ainsi
que
plusieurs
autres
enfants
en
bas-âge.
En
1805,
on
retrouve
Boulanger
aux
Acren.
Il
semble
qu’il
y
ait
trouvé
refuge
chez
Charles
Nisolles,
«
connu
aux
Acren
sous
des
rapports
défavorables
»
et
que
le
juge
Braconnier
décrira
comme
«
le
plus
célèbre
voleur
du
canton
qui
donnait
asile
à
tous
les
brigands
».
Le
4
vendémiaire
an
XIV
(26
septembre
1805),
vers
dix
heures
du
soir,
un
incendie
détruit
la
maison
de
François
Scarcez,
chez
qui
Boulanger
travaillait,
et
celle
de
son
voisin,
Philippe
Leroy.
Le
juge
Braconnier
mène
l’enquête
et,
immédiatement,
ses
soupçons
se
portent
sur
l’Anglais.
Ils
lui
semblent
d’autant
plus
fondés
que
peu
de
temps
auparavant,
celui-ci
a
eu
une
violente
altercation
avec
Scarcez.
D’ailleurs,
Boulanger
ne
se
réfugie-t-il
pas
à
Bois-de-Lessines,
chez
Fidèle
Maison,
dit
«
Bernissart
»,
d’où
il
peut
échapper
à
un
mandat
d’amener
grâce
à
la
complicité‚
de
Rose
Bernissart
qui
le
prévient
des
poursuites
lancées
contre
lui.
Dans
les
mois
qui
suivent,
de
nombreux
vols
sont
constatés
dans
les
environs
:
le
24
novembre
chez
Vandemergel
à
Ollignies
;
la
nuit
du
26
au
27
décembre
chez
la
veuve
Pierre
Flament
à
Ghoy
;
la
nuit
du
1
au
2
janvier
1806,
chez
Jean-Baptiste
Vennany
(
?)
et
chez
P.J.
Vanhongerval
à
Sarlardinge
;
la
nuit
du
5
au
6
chez
Philippe
Cauchie,
à
l’Auberge
du
Point
du
Jour
à
Sirault
;
à
Ollignies
encore,
chez
Joseph
Monnier
et
chez
les
héritiers
Vandermoghel
dans
la
nuit
du
15
au
16
;
dans
celle
du
23
au
24
à
Papignies
chez
P.
Chanoine,
tailleur,
chez
F.
Cordier,
cultivateur
et
chez
le
cabaretier
J.B.
Bonnier
;
à
Everbecq,
chez
A.
Deportemont
dans
la
nuit
du
24
au
25
janvier
et
dans
celle
du
2
au
3
février
chez
J.B.
Vandermotten.
Voilà
donc
encore
notre
juge
de
paix
sur
les
dents.
Il
apprend
que
Nisolles
s’est
rendu
à
Ath
pour
y
rencontrer
des
fripiers
à
la
réputation
de
receleurs.
Aussitôt,
une
patrouille
s’organise
aux
Acren
sous
la
direction
du
maire-adjoint
de
ce
village.
Le
6
février
1806
au
soir,
la
patrouille
encercle
la
maison
de
Nisolles,
«
repaire
de
brigands
qui
désolent
depuis
quelques
mois
les
confins
de
trois
départements
».
A
dix
heures
du
soir,
le
maire-adjoint
y
arrête
les
deux
fripiers
Guillaume
et
Emmanuel
Tumelaire
ainsi
qu’Amélie
Nisolles,
fileuse,
soeur
du
Grand
Charles.
Les
deux
Tumelaire
étaient
arrivés
chez
Nisolles,
écrira
Braconnier,
«
à
la
faveur
de
la
nuit
pour
ne
pas
inquiéter
les
habitants
qui
ont
toujours
l’oeil
ouvert
sur
cette
maison,
et
pour
mieux
tromper
la
surveillance
des
fonctionnaires
de
ce
village
qui
ne
doit
qu’à
ses
administrateurs
le
retour
à
la
tranquillité‚
».
Nisolles
et
son
complice
Boulanger
parviennent
pourtant
à
s’échapper.
La
maison
contient
le
butin
de
la
plupart
des
vols
signalés
plus
haut
:
des
quantités
considérables
d’objets
de
cuivre,
de
fer
et
d’étain,
des
pièces
d’habillement,
du
linge,
des
viandes
etc...
seront
bientôt
reconnus
par
leurs
légitimes
propriétaires
venus
de
Sarlardinge,
Papignies,
Ollignies,
Ghoy,
Everbecq
et
ailleurs.
«
Le
mobilier
abandonné
par
Nisolles
n’est
pas
en
sûreté
dans
cette
maison
dont
la
position
ingrate
semble
inviter
les
brigands
à
aller
s’y
réfugier
».
Le
maire-adjoint
des
Acren
et
le
juge
Braconnier
y
effectueront
trois
visites
domiciliaires
et
la
mettront
sous
la
surveillance
du
garde-champêtre
Anceau,
«
homme
vigilant
et
intrépide
».
Malgré
cette
surveillance,
Charles
Nisolles
reviendra
avec
Boulanger
et
parviendra
à
enlever
de
sa
demeure
des
viandes
et
autres
objets
présumés
volés,
avant
de
disparaître
à
nouveau.
(21).
Joseph
Braconnier,
que
«
la
fuite
de
ces
deux
hommes,
aussi
terribles
par
leur
physique
robuste
que
par
leur
intrépidité,
afflige
d’autant
plus
que
le
monde
en
est
alarmé
»,
lance
le
signalement
de
Nisolles
:
«
âgé
de
quarante
ans
environ,
cheveux
et
sourcils
bruns,
yeux
grands
et
bruns,
nez
gros,
bouche
grande,
menton
rond,
front
un
peu
ridé‚
visage
coloré‚
»
Cela
n’empêche
pas
Nisolles
de
parader
dans
la
ville
de
Grammont
et
d’y
dîner
dimanches,
jours
de
fêtes
et
de
marché‚
avant
d’aller
se
réfugier
avec
l’Anglais
chez
un
cousin
de
celui-ci,
Jacques
Mahieu,
dit
«
Laid
Jacques
»,
originaire
de
Sirault
et
habitant
Gondregnies.
Grâce
à
l’intervention
de
l’épouse
de
ce
dernier,
Maximilienne
Paternotre,
née
à
Silly,
ils
parviennent
à
obtenir
le
12
février,
du
maire-adjoint
de
Silly,
deux
passeports
qui
leur
permettront
de
passer,
sous
de
faux
noms,
au
nez
des
autorités..
Cependant,
le
canton
de
Lessines
est
devenu
trop
dangereux
pour
les
deux
compères
qui
se
décident
à
mettre
sur
pied
une
affaire
pouvant
leur
rapporter
gros
moyennant
peu
de
risques.
Pourquoi
ne
pas
la
tenter
contre
cet
ancien
cultivateur,
Jean-François
Ghisse
qui,
habitant
à
Gondregnies
une
petite
ferme
à
l’écart
du
corps
du
village
avec
son
fils
Albert
et
sa
bru,
Florentine
Seutin,
semble
vivre
dans
une
belle
aisance.
D’autant
plus
que
le
Laid
Jacques
qui,
l’été,
travaille
à
la
tuilerie
Pilatte
à
Lombize,
est
ouvrier
l’hiver
chez
les
Ghisse
et
peut
aisément
renseigner
l’Anglais
sur
les
habitudes
de
la
maison.
.
Très
vite,
l’opération
est
mise
sur
pied
;
elle
nécessite
des
complicités
:
le
13,
le
grand
Nisolles
quitte
Gondregnies
pour
se
rendre
chez
les
«
Seigneurs
»
à
Neufmaisons,
tandis
que
Boulanger
contacte
les
«
Pérou
»
à
Pommeroeul.
Du
14
au
20
février,
ce
ne
sont
qu’allées
et
venues
discrètes
entre
Pommeroeul,
Neufmaisons
et
Gondregnies.
Le
16,
Boulanger,
Nisolles,
le
Seigneur,
son
épouse
et
la
jeune
Catherine
Pérou
passent
joyeusement
le
dimanche
de
carnaval
dans
les
cabarets
de
Neufmaisons.
Enfin,
l’affaire
est
décidée
pour
le
jeudi
20
dans
la
nuit.
Ce
jour
là,
en
fin
de
journée,
huit
personnes
quittent
Neufmaisons
et,
par
des
chemins
de
traverse
enneigés,
gagnent
furtivement
Gondregnies.
Il
y
a
là
Boulanger,
François
Soudoyer,
sa
fille
Thérèse,
travestie
en
homme,
et
son
fils
Désiré,
Nicolas
Strébelle,
ses
fils
François
et
Pierre,
et
le
grand
Nisolles.
A
Gondregnies,
ils
sont
rejoints
par
Jacques
Mahieu,
qui
a
travaillé
chez
Ghisse
jusqu’à
huit
heures
et
demie
du
soir.
Arrivé
à
la
ferme,
Boulanger
pratique
dans
le
mur,
à
hauteur
de
la
clé,
un
trou
au
moyen
d’un
tisonnier
qu’il
a
amené
de
Neufmaisons.
Péntrer
dans
la
bâtisse
n’est
plus
alors
qu’un
jeu
d’enfant.
Pendant
que
Mahieu
et
Nisolles
font
le
guet
à
l’extérieur,
les
autres
terrassent
le
père
Ghisse
;
son
fils,
accouru
au
bruit,
sabre
au
poing,
après
avoir
blessé
le
Seigneur
et
l’Anglais,
est
désarmé
et,
frappé
de
plusieurs
coups,
laissé
étendu
à
terre,
baignant
dans
son
sang.
On
racontera
que
la
belle
Thérèse
mangera,
assise
sur
son
corps,
des
mastelles
trouvées
dans
un
coffret..
Florentine
Seutin,
se
rendant
compte
du
drame,
se
réfugie
dans
le
grenier
où
elle
ne
sera
pas
inquiétée
et
d’où
elle
ira,
les
bandits
partis,
chercher
du
secours
dans
le
voisinage.
Rapidement,
les
voleurs
s’emparent
d’un
important
butin
:
une
somme
de
deux
cents
livres,
de
grandes
pièces
de
toile,
du
lin
filé,
divers
vêtements
et
pièces
de
linge,
voilà
ce
que,
avant
la
fin
de
la
nuit,
toute
la
bande,
(hormis
le
Laid
Jacques
qui,
le
matin,
à
son
habitude,
se
rendra
à
la
ferme
pour
faire
son
travail
journalier),
ramènera
dans
des
sacs
jusqu’à
Neufmaisons,
chez
Strebelle,
sans
avoir
été
inquiétée.
C’est
là
que
ce
vendredi,
on
fera
l’inventaire
et
le
partage.
Celui-ci
ne
va
pas
s’opérer
sans
difficultés
;
ainsi,
une
querelle
opposera
Nicolas
Strebelle
à
François
Soudoyer
au
sujet
d’un
sarrau
et
Nisolles
ne
recevra
que
trois
couronnes
et
demies
pour
sa
part;
se
plaignant
de
la
modicité
de
son
lot,
il
est
aussitôt
menacé
d’être
battu
s’il
continue
à
récriminer.
Faut-il
voir,
dans
la
rancune
qu’il
conservera,
son
attitude
après
son
arrestation
?
Quoi
qu’il
en
soit,
il
semble
que
ce
soit
la
dernière
affaire
à
laquelle
il
participera,
puisqu’il
va
s’engager
chez
Thomas
Genard,
cultivateur
à
Douvrain.
La
nuit
du
6
au
7
mars,
deux
calices,
un
ciboire,
une
trentaine
de
coeurs,
de
croix
et
de
bagues
en
or
et
en
argent
sont
volés
à
la
chapelle
de
Bon-Secours.
Près
de
la
fenêtre
brisée,
on
trouve
des
traces
de
sang.
Quelques
jours
après,
des
témoins
constateront,
sans
encore
faire
de
relation
entre
les
faits,
que
l’Anglais
est
blessé
à
une
main.
On
se
souvient
qu’en
janvier,
un
vol
avait
été
commis
chez
Ph.
Cauchie,
à
l’auberge
du
Point-du-Jour
à
Sirault.
Accusé
par
Cauchie
et
la
rumeur
publique,
Boulanger
envisageait
depuis
lors
de
se
venger.
La
nuit
du
15
au
16
mars,
l’Anglais
et
ses
hommes,
pénétrant
dans
la
maison
du
Point-du-Jour,
y
dérobent,
sans
en
réveiller
les
habitants,
du
fil,
de
la
toile,
des
bottes
de
lin
et
du
tabac.
Le
17,
les
gendarmes
repèrent
Boulanger
autour
de
la
maison
des
Pérou,
mais
le
laissent
filer.
En
vue
d’écouler
son
dernier
butin,
l’Anglais
se
rend
avec
Thérèse
à
Bon-Secours,
où
il
passe
marché
avec
Jean-Baptiste
Lejeune,
cabaretier,
qui,
soupçonnant
que
la
marchandise
provient
du
vol
du
Point-du-Jour
dont
il
a
entendu
parler,
prétexte
un
manque
de
fonds
pour
le
faire
revenir
le
dimanche
suivant.
Lejeune
fait
prévenir
Cauchie,
qui
reconnaît
son
bien,
puis
les
autorités.
Aussi,
lorsque
le
dimanche
23
mars,
l’Anglais
revient
chez
Lejeune,
il
se
trouve
nez-à-nez
avec
le
gendarme
qui
l’avait
repéré
chez
les
Pérou.
Appréhendé
malgré
ses
dénégations,
il
est
transféré
à
Mons
et
interrogé
par
le
procureur
impérial
Rosier.
Dès
lors,
les
choses
vont
se
précipiter.
Dans
le
même
temps,
le
grand
Nisolles
est
aussi
arrêté.
Le
juge
de
paix
Braconnier
l’interroge
et
il
lui
fait
«
des
réponses
fermes
et
naIves
».
D’emblée,
il
dénonce
ses
complices.
Le
28
mars,
François
et
Désiré
Soudoyer
sont
arrêtés.
Le
5
avril,
c’est
le
tour
du
reste
de
la
famille
Pérou
:
Catherine
Decroly,
Catherine
et
Thérèse
Soudoyer.
Le
1
mai,
ils
sont
rejoints
par
Maximilienne
Paternotre,
épouse
de
Jacques
Mahieu
qui,
lui,
était
déjà
sous
les
verrous.
Enfin,
Marie-Joseph
Duray,
épouse
Strebelle,
est
appréhendée
le
4
juillet,
et
Nicolas
Strebelle,
le
12
juillet
dans
un
cabaret
de
Ghlin.
L’instruction,
dès
lors,
est
menée
rondement
et
porte
essentiellement
sur
l’affaire
de
Gondregnies
qui,
aux
yeux
du
procureur
impérial
Rosier,
suffit
à
atteindre
les
détenus
qui
sont
mis,
dès
le
30
septembre,
en
accusation
par
le
jury
spécial
d’accusation.
Le
7
octobre
1806
et
le
29
janvier
1807,
Charles
Nisolles
confirme
et
complète
ses
aveux
sur
le
crime
de
Gondregnies
d’abord,
sur
tous
les
autres
vols
et
méfaits
commis
par
l’Anglais
et
sa
bande
ensuite.
C’est
ainsi
que
le
6
avril
1807,
treize
accusés
comparaissent
devant
la
Cour
de
Justice
criminelle
du
département
de
Jemmape
à
Mons
présidée
par
M.
Foncez
assisté
des
juges
assesseurs
Fonson
et
Willems,
le
procureur
impérial
Rosier
occupant
le
siège
du
Ministère
public.
Il
y
a
là
:
Jean-Joseph
Boulanger,
forçat
évadé
du
bagne
de
Brest,
âgé
de
quarante
ans,
né
à
Blaton
et
sans
asile
;
Charles
Nisolles,
journalier,
âgé
de
34
ans,
né
et
domicilié
à
Acren-Saint-Martin
;
François
Soudoyer,
journalier,
né
à
Sirault
et
domicilié
à
Pommeroeul
;
Catherine
Decroly,
sa
femme,
ménagère
âgée
de
49
ans
;
leurs
enfants
Marie-Thérèse
Soudoyer,
âgée
de
20
ans,
Marie-Catherine
Soudoyer,
fileuse,
âgée
de
22
ans,
et
Désiré-Joseph
Soudoyer,
âgé
de
19
ans
;
Nicolas
Strebelle,
journalier,
âgé
de
46
ans,
né
et
demeurant
à
Neufmaisons
;
sa
femme
Marie-Joseph
Duray,
33
ans,
ménagère,
née
à
Roucourt
;
deux
fils
de
Nicolas
:
François-Joseph,
21
ans,
et
Pierre-Joseph,
18
ans
;
Jacques
Mahieu,
journalier,
33
ans,
né
à
Sirault
et
domicilié
à
Gondregnies
;
et
son
‚épouse,
Maximilienne
Paternotre,
37
ans,
ouvrière,
née
à
Silly.
Ces
accusés
sont
poursuivis
soit
pour
leur
participation
directe
à
l’affaire
de
Gondregnies,
soit
pour
complicité
et
recel.
Ils
sont
défendus
par
le
notaire
Thomeret
et
les
avocats
Vincent
et
Bourlard.
Devant
la
Cour,
tous
nient,
sauf
Nisolles
qui
réitère
ses
aveux.
A
l’issue
de
deux
journées
d’interrogatoires,
d’auditions
de
témoins
et
de
plaidoiries,
le
jury
répond
affirmativement
à
la
plupart
des
nonante-quatre
questions
qui
lui
sont
posées.
En
conséquence
de
ces
réponses,
la
Cour
condamne
Jean-Joseph
Boulanger,
Charles
Nisolles,
François
Soudoyer,
Marie-Thérèse
Soudoyer,
Désiré-Joseph
Soudoyer,
Nicolas
Strebelle,
François
Joseph
Strebelle,
Pierre-Joseph
Strebelle,
et
Jacques
Mahieu
à
la
peine
de
mort;
Catherine
Decroly
et
Marie-Joseph
Duray
à
24
ans
de
réclusion
dans
une
maison
de
force
après
exposition
de
six
heures;
Catherine
Soudoyer
et
Maximilienne
Paternotre
sont
acquittées.
A
ce
prononcé‚,
ce
ne
sont,
chez
les
condamnés,
que
larmes
et
lamentations,
sauf
chez
l’Anglais,
qui
reste
stoïque,
et
Nisolles,
apparemment
indifférent.
Dans
les
trois
jours
qui
suivent
le
jugement,
les
condamnés
ne
manquent
pas
cependant
de
se
pourvoir
devant
la
Cour
de
cassation
qui
rejettera
leur
pourvoi
le
21
mai
1807.
Boulanger,
par
des
aveux
faits
en
prison
le
18
avril
précédent,
avait
tenté
de
sauver,
mais
en
vain,
la
belle
Thérèse,
tout
en
chargeant
Nisolles.
Le
vendredi
5
juin
1807,
la
guillotine
est
dressée
dans
le
bas
de
la
place
de
Mons,
près
de
la
rue
d’Havré.
Bientôt,
la
charrette
amène
au
pied
de
l’échafaud
huit
des
neuf
condamnés,
assistés
des
Confrères
de
la
Miséricorde
revêtus
de
leurs
cagoules.
.
Thérèse
et
les
plus
jeunes
condamnés
sont
exécutés
d’abord,
Boulanger
en
dernier
lieu
comme
chef
de
bande.
Catherine
Decroly
et
Marie-Joseph
Duray
subissent
leur
peine
d’exposition
le
même
jour.
Charles
Nisolles
n’est
pas
du
voyage.
La
veille
de
sa
condamnation,
sa
sœur
Amélie
avait
rendu
visite
au
juge
Braconnier
afin
qu’il
intervienne
auprès
du
procureur
impérial
pour
qu’elle
puisse
voir
son
frère
et
l’encourager
à
signer
son
recours
en
grâce.
Compte
tenu
de
ses
aveux
préalables
et
de
son
repentir
qui
paraît
sincère,
la
Cour
décide
de
surseoir
à
l’exécution
et
de
transmettre
avec
avis
favorable
la
supplication
de
Nisolles
à
l’Empereur.
Celui-ci
est
en
Pologne,
au
camp
de
Tilsitt.
Deux
jours
avant
son
entrevue
célèbre
avec
le
tsar
Alexandre,
il
ordonne
par
décret
impérial
la
réunion
du
Conseil
privé.
Sur
avis
de
celui-ci
et
du
Grand
Juge,
Ministre
de
la
Justice,
Napoléon
signe
à
Fontainebleau,
le
27
septembre
1807,
la
commutation
de
la
peine
de
mort
de
Nisolles
en
déportation
à
vie.
Le
13
octobre
1807,
devant
la
Cour
criminelle
de
Mons
solennellement
assemblée
et
composée
de
son
président
Foncez,
des
juges
Fonson
et
Willems,
du
procureur
impérial
Rosier
et
du
greffier
Senault,
Charles
Nisolles,
debout
entre
les
gendarmes,
s’entendit
lire
ses
lettres
de
grâce
par
le
procureur
impérial
:
«
Napoléon,
par
la
grâce
de
Dieu
et
les
Constitutions
de
l’Empire,
Empereur
des
Français.
Aux
Président
et
Membres
composant
notre
Cour
de
justice
criminelle
du
département
de
Jemmape,
séant
à
Mons.
Nous
avons
reçu
la
supplication
de
Charles
Nisolles,
âgé
de34
ans,
journalier,
condamné
par
votre
arrêt
du
7
avril
1807
à
la
peine
de
mort,
pour
crime
de
brigandages,
détenu
à
la
maison
de
justice
de
Mons,
aux
fins
d’obtenir
nos
lettres
de
grâce
;
et,
ayant
reconnu
que
diverses
circonstances
pourraient
nous
porter
à
lui
faire
ressentir
les
effets
de
notre
clémence,
nous
avons,
par
décret
impérial
daté
de
notre
camp
impérial
de
Tilsitt,
le
23
juin
1807,
ordonné
qu’il
serait
tenu
dans
notre
palais
des
Tuileries
à
Paris,
sous
la
présidence
de
notre
Cousin
le
prince
archichancelier
de
l’Empire,
un
Conseil
privé‚
dont
les
membres
ont
été
nommés
par
nous,
ainsi
qu’il
suit
:
notre
Cousin
le
prince
archichancelier
de
l’Empire,
président
;
notre
Cousin
le
prince
architrésorier
etc...
Et,
après
nous
être
fait
représenter
le
procès-verbal
de
la
séance
du
dit
Conseil
privé
tenu
le
9
juillet
suivant
dans
notre
palais
des
Tuileries,
le
même
procès-verbal
contenant
le
rapport
de
notre
grand
juge
Ministre
de
la
justice
et
l’avis
des
autres
membres
du
conseil
privé
;
tout
vu
et
examiné,
et
voulant
préférer
miséricorde
à
la
rigueur
des
lois,
nous
avons
déclaré
et
déclarons
faire
grâce
au
dit
Charles
Nisolles
de
la
peine
de
mort
et
commuer
la
dite
peine
en
déportation
à
perpétuité
à
charge
de
garder
prison
jusqu’à
ce
que
la
déportation
puisse
s’effectuer,
sans
toutefois
préjudicier
en
rien
aux
droits
de
la
partie
civile.
Mandons
et
ordonnons
que
les
présentes
lettres,
scellées
du
sceau
de
l’Empire
vous
soient
présentées
par
notre
Procureur
général
près
de
la
dite
Cour
en
audience
publique
où
l’impétrant
sera
conduit
pour
en
entendre
lecture,
debout
et
la
tête
découverte,
que
les
dites
lettres
soient
transcrites
sur
vos
registres
etc...
Donné
à
Fontainebleau
le
27
septembre
1807.
s.
Napoléon.
»
Après
quoi
le
Président
Foncez
lui
tint
un
discours
de
circonstance
qu’il
terminera
par
ces
mots
:
«
Allez,
Nisolles,
allez
parcourir
cette
nouvelle
carrière
dans
le
repentir
de
vos
fautes
;
faites
oublier
par
une
bonne
conduite
que
vous
avez
été
coupable,
et
que
vos
élans
vers
l’Etre
Suprême
n’aient
d’autre
but
que
d’implorer
sa
miséricorde
pour
le
pardon
de
vos
crimes
et
de
le
supplier
de
conserver
les
jours
précieux
de
notre
auguste
monarque
qui
vient
de
vous
arracher
des
bords
du
tombeau
où
vous
alliez
être
précipité
».
Mais
Nisolles
ne
subira
pas
sa
déportation
:
en
effet,
suite
à
des
circonstances
inconnues
(état
de
guerre
avec
l’Angleterre
empêchant
le
départ
des
navires
devant
transporter
les
déportés
ou
maladie
de
l’intéressé
?),
Charles
Nisolles
restera
emprisonné‚
à
la
maison
de
justice
de
Mons
où
il
mourra
en
août
1813.
Catherine
Decroly
mourra
à
la
maison
de
force
de
Gand.
Un
des
fils
Soudoyer
non
impliqué
dans
cette
affaire
sera
ouvrier
dans
une
fabrique
de
velours
à
Amiens
et
un
autre,
Alexis,
restera
au
pays
où
il
vivra
misérablement,
repoussé
par
tous.
Marié,
il
aura
deux
fils
:
l’un
tombera
dans
la
fonte
en
fusion
aux
hauts-fourneaux
de
Pommeroeul
et
l’autre
sera
condamné
aux
travaux
forcés
à
perpétuité
pour
vol
de
grand
chemin.
|