Petites notes d'Histoire Locale

Jacques Declercq

Le droit de chausséage et les ponts des Acren (1731-1737).

- Fleurus - septembre-octobre 1982 -

 Article publié in Bulletin du Cercle d'Histoire de l'Entité Lessinoise n° 3, septembre-octobre 1982.

Le 14 octobre 1640, l'Athois Pierre Hannecart proposait de rendre la Dendre navigable d'Ath à Dendermonde, et l'année suivante, le même Hannecart se voyait octroyer cette entreprise par le Roi Philippe IV.

En 1650, les travaux étaient terminés, tout au moins sur le territoire des Acren, et c'est à cette époque qu'on reconstruisit le pont situé en bas de l'actuelle Grand'Rue. Un gué existait antérieurement à ces travaux à l'extrémité de la rue de l'Ordre. Au N-E du village, près de la pâture à Croix, le chemin de Mons à Gand traversait un autre pont.

L'entretien des voies de communication nécessitait des sommes souvent trop importantes pour le budget courant de la communauté; aussi des octrois étaient-ils demandés pour percevoir un droit, dit de chausséage, pour couvrir ces frais.

Ces taxes de chausséage étaient levées sur les chevaux, les bœufs, les chariots … circulant sur le territoire concerné. Ce droit était affermé pour des durée variables.

En 1723, les échevins des Acren avaient obtenu du Grand Bailly du Hainaut l'autorisation de lever ce droit pendant six ans. Cet octroi fut prorogé le 6 juillet 1731 pour une même durée.

Le tarif en application était alors le suivant: 4 sous au chariot attelé de quatre chevaux, 3 sous à celui attelé de trois, 2 sous celui attelé de deux, 1 sou à celui attelé d'un seul cheval, 8 sous à celui attelé de bœufs, 8 sous au cent de moutons, 1 sou au cheval marchand, 6 deniers au bœuf et 3 à la vache.

Voici quelques années, nous avons eu la bonne fortune de retrouver chez un bouquiniste, parmi d'autres documents, un cahier de 31 cm sur 19 formé de seize pages de papier dont onze remplies d'une écriture parfois difficilement déchiffrable.

Il s'agit des "Comptes et renseignements qu'à Monseigneur le Grand Bailly , président, et gens du Conseil Souverain de l'Empereur et Roy en Haynaux, sont remis des despenses de la part des mayeur et gens de loy des deux Acrène, tant de leur part que pour les fermiers du droit de chausséage qui fut loué aux dits Acrène ensuite des octrois obtenus de messeigneurs du dit Conseil en date du six de juillet 1731".

Ces comptes couvrent la période de 1731 à 1737. Devant la rareté des documents concernant Deux-Acren, à la suite de l'incendie du dépôt des archives à Mons en 1940, nous croyons utile d'en extraire ici l'essentiel.

Antoine Fontaine, "officier de la rivière d'Acrène, dit Tenre sur Acréne", obtient, pour la somme de 120 livres l'an, le fermage du droit de chausséage pour les deux Acren, de 1731 à 1734. Son  successeur sera, jusqu'en 1737, Guillaume Declercq, de Grand Acren.

Pendant ces six années, des travaux seront engagés, tant au "grand pont" et au "pont de bouran" qu'aux digues de ces mêmes ponts.

En 1731 et 1732, la veuve de Pierre Fontaine s'occupe du voiturage et de la "livrance" de trente chariots de pavés pour la somme de 36 livres. Ces chariots ont été chargés "par ordre de la loy" pour la somme de 51 livres 6 sols par Adrien Carlier qui sera encore employé à travailler à la digue du pont de "Bouran" pendant trois jours.

En 1736, Pierre-François Mareschalle livre, pour 971 livres 13 sols, six mille trois cents pierres de pavés devant être employées aux deux ponts. C'est le maître-paveur Pierre Bascour  et son manœuvre qui les placeront, en travaillant vingt-cinq jours pour 75 livres en 1732 et trente-deux jours pour 60 livres en 1736.

Les travaux de réfection nécessitent aussi de grandes quantités de bois. En 1731, Antoine Félix livre deux cent quarante-huit pieds de dosses de chêne, pour une somme totale de 82 livres 12 sols. Ces dosses seront placées sur les deux ponts pour la somme de 8 livres 10 sols par le charpentier Martin Grie.

En octobre de la même année, Jacques Roland livre un corps de chêne destiné au pont de Bouran.

En 1734, d'autres chênes sont fournis, pour la somme de 47 livres 8 sols, par la duchesse de Havré, à qui appartient la seigneurie de Petit-Acren, et, pour le prix de 79 l. 18 s. 6 d., par le duc d'Arenberg qui possédait "le grand bois d'Acrène".

Nicolas Francq touchera quant à lui 99 l. pour la livraison de quatre cent septante-quatre pieds de dosses de chêne, et c'est encore Martin Grie, cette fois aidé de son fils, qui travaillera au pont de Bouran en 1735.

On se procure aussi à Lessines un gros sommier à placer au même pont de Bouran et un plus petit "destiné à un des pontelets de la dite communauté".

Enfin, les ponts seront recouverts de dosses de peuplier. Guillaume Declercq en fournira deux cent nonante-deux pieds en 1731.

L'ensemble de ces travaux, répartis sur six ans, aura ainsi coûté , sans compter les frais administratifs, plus de 1500 livres .

Le docteur Guignies nous apprend que déjà, le 13 août 1573, les ponts et chaussées, faute d'entretien, allaient en ruine et décadence. A de nombreuses reprises, des taxes ert impôts spéciaux durent être prélevés pour permettre d'effectuer les travaux nécessaires: des octrois furent ainsi accordés ou renouvelés en 1573, 1587 (pour rétablir les deux ponts qui avaient été rompus pour éviter le passage des ennemis), 1600, 1609, 1621 (pour reconstruire le grand pont à neuf), 1625, 1628, 1636, 1686 (pour réparation des ponts et chaussées dont l'entretien annuel excède 100 livres), 1701, 1723 (frais de réparation et d'entretien des ponts et chaussées), 1731, 1737, 1762 et 1783.

Ce compte que nous avons retrouvé est ainsi un nouveau  témoignage du souci qu'avaient les responsables des communautés des Acren de maintenir la voirie dans un état acceptable et compatible avec les finances dont ils disposaient.

©  J. Declercq & C.V  - Septembre 2004  - Tous droits réservés