Correspondance
de
guerre
d'un
Lessinois:
François
Blomart.
(1914-1919).
Article
publié
dans
Bulletin
du
Cercle
d'Histoire
de
l'Entité
Lessinoise.
N°
14,
juillet
-
août
1984.
Préface
par
le
Président
du
F.U.
A.
P.
de
Lessines.
C'est
certainement
avec
une
vive
émotion
que
bon
nombre
de
nos
concitoyens
prendront
connaissance
de
la
correspondance
de
guerre
1914
/
1919
d'un
Lessinois
nommé
François
Blomart.
Les
lettres
adressées
à
ses
parents
et
à
ses
amis
sont
rédigées
en
termes
simples,
mais
combien
émouvants;
elles
expriment
à
la
fois
les
nobles
sentiments
qui
animaient
nos
soldats
de
l'Yser
au
combat,
leurs
réactions
bien
compréhensibles
lors
de
l'occupation
en
Allemagne
et
leur
difficile
réintégration
dans
la
vie
civile.
En
tant
que
président
du
Front
Unique
des
Associations
Patriotiques
de
la
Ville
de
Lessines,
je
tiens
à
remercier
Monsieur
Jacques
Declercq
d'avoir
analysé
avec
compétence
le
contenu
de
ces
missives.
La
publication
de
ces
documents
par
le
Cercle
d'Histoire
de
l'Entité
Lessinoise
cadre
bien
avec
notre
souci
actuel
de
perpétuer
le
souvenir
des
souffrances
morales
et
physiques
endurées
par
les
peuples
pour
défendre
leurs
libertés
les
plus
élémentaires.
Lessines,
le
6
juin
1984.
Le
Président
du
Front
Unique
des
Associations
Patriotiques.
Jean
Druart.

2.
Les
lettres
de
François
Blomart.
Au
début
du
mois
d'août
1914,
les
soldats
miliciens
de
la
classe
1914
sont,
devant
la
poussée
allemande,
dirigés
vers
le
littoral
belge
avant
de
recevoir
leur
instruction
en
France
et
de
participer
activement
aux
hostilités.
Nous
avons
pu
retrouver
une
intéressante
série
de
lettres
écrites
par
un
Lessinois
ayant
fait
partie
de
cette
classe.
Il
s'agit
de
la
correspondance
de
guerre,
s'étendant
du
4
octobre
1914
au
8
juillet
1919,
de
François
Blomart,
fils
de
Louis,
boucher
à
la
Grand'Rue
à
Lessines,
incorporé
à
la
10°
compagnie
du
7°
de
ligne
Ecrites
tantôt
à
l'encre,
tantôt
au
crayon
quand
"le
marchand
d'encre
est
en
villégiature
à
Fresnes",
ornées
parfois
de
dessins,
ces
lettres
nous
font,
non
sans
humour
parfois,
partager
la
vie
des
combattants
de
ce
premier
conflit
mondial.
Grâce
à
elles,
nous
percevons
mieux
l'évolution
de
leur
moral,
de
leur
sentiment
patriotique,
de
leur
façon
d'être
et
de
vivre.
Ces
missives
sont
adressées
pour
la
plupart
à
ses
parents,
certaines
à
sa
sœur,
Finette,
d'autres
enfin
à
des
amis,
mobilisés
ou
non.
A
côté
de
cartes
"officielles"
transmises
par
des
organismes
comme
la
Croix
Rouge,
qui
sont
très
brèves
et
ne
nous
apprennent
pratiquement
rien
sinon
que
"la
santé
est
toujours
bonne,
espérant
qu'il
en
est
de
même
pour
vous"
et
que
"croyez
le
bien,
je
ne
vous
oublie
pas
et
pense
souvent
à
vous
tous,
ainsi
qu'aux
copains"
,
on
trouve
une
série
de
lettres
qui
sont
beaucoup
plus
intéressantes,
qu'il
fait
parvenir
à
Lessines
par
une
filière
échappant
à
la
censure
en
passant
par
la
Hollande.
Pour
parvenir
jusqu'à
cette
ville,
elles
mettent
de
quelques
jours
à
quelques
mois,
et
il
en
va
de
même
dans
l'autre
sens.
Mais
beaucoup
se
perdent
et
n'arrivent
pas
à
destination:
"vous
me
dites
que
vous
n'avez
reçu
que
trois
lettres
et
j'en
ai
écrites
plus
de
vingt"
,
"j'écris
tous
les
quinze
jours
de
différents
côtés
en
Hollande,
mais
je
ne
reçois
jamais
rien"
.
Entre
avril
et
octobre
1915,
long
silence:
"je
vous
ai
écrit
deux
ou
trois
fois
et
vous
vous
plaignez
de
ne
rien
recevoir,
mais
je
dois
vous
dire
que
l'intermédiaire
par
qui
je
vous
adressais
mes
lettres
était
fait
prisonnier."
Malgré
ces
avatars,
quarante-quatre
lettres
nous
sont
parvenues
qui
vont
nous
permettre
de
suivre
François
Blomart
pendant
ces
quatre
années
de
Grande
Guerre.
3.
L'itinéraire.
Le
2
octobre
1914,
vers
2
heures
de
l'après-midi,
François
Blomart
quitte
la
gare
de
Gand
Saint-Pierre,
où
il
rencontre
cinq
à
six
trains
bondés
de
soldats
anglais
partant
pour
Anvers,
"moment
inoubliable"
.
Il
y
a
reçu
des
fruits,
des
crevettes,
de
la
bonne
eau,
cigares
et
cigarettes
à
volonté.
Passant
par
Saint-Nicolas
et
Zelzate,
il
arrive
à
Anvers
d'où
il
est
envoyé
sur
Ostende
qu'il
atteint
en
wagons
à
bestiaux.
Là,
les
recrues
sont
logées
dans
une
école
communale
de
filles
et
l'incertitude
commence:
vont-elles
être
dirigées
sur
l'Angleterre
ou
la
France,
ou
rester
dans
cette
ville?
Mais
le
6
octobre,
François
Blomart
est
déjà
à
Dixmude,
logé
chez
"un
millionnaire".
Après
quelques
jours,
il
reprend
le
train
pour
Dunkerque.
Les
hommes
quittent
ce
convoi
non
loin
de
la
frontière
et
font
à
pied
les
21
kilomètres
restants.
De
là,
en
navire
marchand,
ils
gagnent
Cherbourg
après
une
traversée
de
vingt-six
heures.
"La
nuit
ne
fut
pas
gaie
pour
nous".
Puis,
par
chemin
de
fer
encore,
ils
parviennent
à
Caen,
terme
provisoire
de
ce
voyage.
Le
séjour
dans
cette
ville
se
prolongera
jusqu'au
12
décembre,
date
à
laquelle
sa
compagnie
gagne
le
centre
d'instruction
de
Sommervieu,
"tout
petit
village"
du
Calvados.
En
juin
ou
juillet
1915,
notre
homme
rentre
en
campagne
dans
les
rangs
du
1er
régiment
de
chasseurs
à
pied,
formant
avec
le
4ème
de
même
arme
la
brigade
N
de
la
III°
division
d'armée.
Pour
lui
commence
la
vie
des
tranchées.
Du
12
juillet
1915
à
l'armistice,
ses
lettres
seront
datées
"en
campagne".
Le
1er
chasseurs
à
pied
avait
participé
dès
le
14
octobre
1914
à
la
défense
du
front
Schoorbakke
-
Tervaete
et
à
la
bataille
dans
le
secteur
de
Pervijse
-
Caeskerke.
Pendant
la
période
de
stabilisation,
il
occupe
diverses
parties
du
front.
Le
28
septembre
1918,
avec
le
4ème
régiment,
partant
du
secteur
de
Boesinghe,
il
enlève
Langemarck,
Poelkappelle,
Westroosebeke,
Oostnieuwkerke,
Most,
et,
le
4
octobre,
s'arrête
devant
Roulers.
Du
14
au
30
octobre,
la
9ème
division
d'infanterie,
à
laquelle
il
appartient
maintenant
avec
le
4ème
chasseurs
à
pied
et
le
14ème
de
ligne,
participe
à
la
bataille
de
Tourhout
-
Tielt
et
progresse
jusqu'au
11
novembre
par
Lootenhulle,
Nevele,
Leerne-Saint-Martin,
Deurle,
Bommelhoek
et
La
Pinte
pour
terminer
la
guerre
sur
la
rive
gauche
de
l'Escaut,
de
Seeverghem
à
Eecke.
Pendant
cette
campagne,
le
régiment
obtint
les
citations:
"LIEGE
-
ANVERS
-
YSER
-
MERCKEM
-
OOSTNIEUWKERKE"
et
son
drapeau
fut
décoré
de
l'Ordre
de
Léopold
par
le
roi
Albert.
Mais
il
ne
semble
pas
que
François
Blomart
ait
terminé
la
guerre
dans
les
rangs
de
ce
régiment
puisqu'une
lettre
datée
d'octobre
1918
porte
la
mention
"3ème
chasseurs
à
pied".
C'est
ce
régiment
qui,
à
l'offensive
libératrice,
enlève
Moorslede
et
le
château
de
Koekuithoek
puis,
à
l'aile
gauche,
attaque
énergiquement
à
Ronselestraat
la
forte
position
du
canal
de
dérivation,
refoulant
les
Allemands
le
2
novembre.
Ces
derniers
font
alors
front
à
Cluysen
mais,
battus
encore,
ils
se
replient
sur
le
canal
Gand
-
Terneuzen
où,
aux
environs
de
Terdonk,
ils
résisteront
jusqu'à
l'armistice
aux
efforts
de
passage
du
régiment.
Le
drapeau
du
3ème
chasseurs
à
pied,
décoré
lui
aussi
de
l'Ordre
de
Léopold,
port
les
citations:
"ANVERS
-
YSER
-
BEERST
BLOOTE
-
MOORSLEDE".
Le
13
novembre
1918,
notre
Lessinois
écrit
d'Eecloo
sa
première
lettre
en
pays
libéré.
Joie
suprême!
Quelques
jours
après,
il
rejoint
Lessines
pour
une
courte
permission
et
le
24,
après
un
voyage
de
trois
jours,
il
retrouve
son
régiment
à
Lebbeke
avant
de
reprendre
avec
lui
la
marche
vers
Vilvorde,
…
vers
l'Allemagne!
Voici
le
détail
de
ses
étapes
au
départ
de
Lessines:
Renaix,
Courtrai,
Gand,
Eecloo,
Mont-Saint-Amand
et
enfin,
Lebbeke.
A
raison
d'une
vingtaine
de
kilomètres
par
jour,
le
3ème
chasseurs
passe
par
Rosen,
Bergh,
Vilvorde,
Kessel-Loo,
Louvain,
Diest,
Tielt,
Haelen
où
il
est
cantonné
le
28
novembre.
De
là,
la
route
se
poursuit
vers
la
"Bochie"
par
Hasselt,
Bilsen,
Sussen,
Visé,
Warsage,
Wurselen,
Aix-la-Chapelle.
François
Blomart
arrive
ainsi
à
Elderen,
"petit
village
de
Prusse
Rhénale"
(sic).
De
là,
il
remontera
la
frontière
hollandaise.
Le
15
décembre,
il
est
à
Moërs
et
atteint
enfin
Lintfort,
"cité
ouvrière
où
il
n'y
a
rien
pour
nous
égayer,
…,
région
aussi
minable
que
celle
où
nous
avons
vécu
pendant
quatre
ans".
C'est
là
qu'il
attendra,
non
sans
impatience,
l'heure
de
sa
démobilisation.
Pourtant,
avant
que
celle-ci
ne
sonne,
il
devra
encore
servir
quelque
temps
à
Tournai.
4.
Le
temps
de
l'instruction.
Nous
l'avons
vu,
avant
d'arriver
au
centre
d'instruction,
François
Blomart
a
séjourné
un
temps
à
Caen.
Bien
nourris,
les
hommes
y
reçoivent
un
demi
pain
blanc
"qui
n'est
pas
comme
le
pain
belge"
avec
du
café
le
matin,
à
midi
un
demi
litre
de
bon
bouillon
et
un
morceau
de
viande
assez
gros;
à
5
heures,
un
demi
litre
de
pommes
de
terre
avec
des
petits
morceaux
de
viande
mélangés.
Toujours
habillés
en
civil,
ils
ont
reçu
une
couverture,
une
chemise,
un
caleçon,
un
mouchoir
de
poche,
une
paillasse
et
une
paire
de
chaussettes.
Donc
"bonne
nourriture
et
assez
bonne
couchette.
(…)
Nous
faisons
six
à
sept
heures
d'exercices
par
jour;
le
tout
marche
très
bien."
L'instruction
de
notre
jeune
soldat
se
poursuit
dans
le
Calvados,
à
Sommervieu.
La
vie
y
ressemble
à
celle
de
forçats,
mais
le
soir
les
recrues
s'amusent
ensemble
dans
la
chambrée.
La
solde
est
de
trois
francs
par
semaine
et,
dit-il,
"nous
nous
en
tirons
assez
facilement."
Le
temps
passe
lentement,
dans
un
certain
ennui,
mais
heureusement
sans
ressentir
trop
vivement
les
rigueurs
de
l'hiver.
"On
aurait
vraiment
dit
le
mois
d'avril
en
Belgique".
Les
troupes
sont
logées
dans
un
vieux
monastère.
"Nous
couchons
sur
deux
sacs
de
paille
et
deux
couvertes;
pour
mon
compte,
je
dors
avec
mon
ami
Léon;
de
la
sorte,
nous
avons
quatre
sacs
et
quatre
couvertes
pour
dormir.
La
nourriture
n'est
pas
trop
fameuse
et
l'on
n'en
a
pas
toujours
pour
son
appétit,
mais
ne
soyez
pas
inquiets
pour
si
peu
,
je
ne
suis
pas
plus
maigre
qu'auparavant
et
suis
toujours
en
excellente
santé;
la
solde
suffit
pour
acheter
le
surplus
de
notre
nourriture."
Deux
fois
par
semaine,
les
hommes
vont
au
tir
au
bord
de
la
mer
et
"c'est
très
gai".
A
partir
du
12
janvier
1915,
ils
reçoivent
enfin
des
habits
militaires.
François
est
"en
pantalon
de
ligne
belge
et
une
veste
d'artilleur
belge;
comme
capote,
une
capote
noire
avec
boutons
noirs,
on
dirait
à
peu
près
un
pardessus;
képi
en
drap
bleu
très
pratique
avec
visière.
Quand
il
pleut
ou
qu'il
fait
froid,
nous
abaissons
les
palettes
qui
cachent
les
oreilles,
la
nuque
et
le
cou;
quand
il
pleut,
l'eau
coule
sur
la
capote.
Mais
pour
partir
au
front,
les
autres
ont
reçu
un
nouvel
équipement;
il
en
sera
de
même
pour
nous:
pantalon
de
gros
velours,
au
dessus,
un
autre
en
toile
bleue
qui
se
ferme
avec
un
cordon,
on
dirait
des
Hollandais!
Un
gros
tricot
de
laine,
une
veste
française,
capote
bleue,
même
couleur
que
du
pantalon
belge,
un
cache-nez,
des
gants,
deux
paires
d'excellents
souliers.
Avant
d'avoir
reçu
nos
capotes,
nous
allions
à
l'exercice
en
pantalon
de
toile
grise
et
une
veste
de
la
même
sorte:
genre
de
veston
de
sportman.
Comme
guêtres,
nous
avons
des
molletières,
ce
qui
ne
vaut
rien
pour
la
marche,
la
jambe
est
trop
serrée."
Mais
le
temps
de
l'instruction
pèse
de
plus
en
plus
à
notre
Lessinois
qui,
le
16
avril
1915,
écrit:
"Nous
croyons
ne
plus
rester
ici
très
longtemps
et
nous
en
sommes
très
contents."
Déjà
au
front,
il
écrira
en
se
remémorant
son
séjour
en
France:
"Soyez-en
certains,
pour
nous,
nous
préférons
de
beaucoup
cette
vie
à
celle
passée
à
l'instruction
où
nous
n'étions
pas
très
heureux.
Là,
nous
avions
souvent
faim.
Mais
ici,
rien
ne
nous
manque.
Et
puis,
vous
devez
bien
comprendre
que
nous
ne
pouvions
vivre
éternellement
dans
ce
pays.
Soyez-en
convaincus
que
nos
souvenirs
de
ces
parages
ne
sont
pas
trop
fameux."
5.
En
campagne.
C'est
donc
en
mai
ou
juin
1915
que
François
Blomart
gagne
le
front
belge
dans
les
rangs
du
1er
chasseurs
à
pied.
L'armée
s'est
enterrée
sur
l'Yser;
le
front
est
stabilisé.
Deux
lettres
sont
particulièrement
intéressantes
qui
illustrent
cette
période.
C'est
pourquoi
ous
croyons
devoir
en
extraire
de
larges
parties.
L'une,
datée
du
5
août
1915,
est
adressée
à
son
ami
Ernest
Van
Nieuwenhove,
et
l'autre,
destinée
à
ses
parents,
porte
la
date
du
12
juillet
1915.
"Le
soir,
départ
du
cantonnement
pour
la
tranchée,
environ
dix
kilomètres,
donc
deux
bonnes
heures
de
marche
(ce
n'est
pas
là
qu'on
rigole
quand
on
a
le
sac
au
dos
et
le
fusil
sur
l'épaule),
mais
l'habitude
fait
tout
et
on
s'en
moque
pas
mal.
Le
long
de
la
route,
on
chante,
ne
pensant
pas
où
l'on
se
rend;
mais
on
approche,
l'officier
ordonne
le
silence.
On
traverse
les
champs,
se
faufilant
derrière
les
buissons;
en
un
mot:
on
se
cache
le
plus
possible.
Tout
à
coup,
un
sifflement
dans
l'espace,
on
se
couche,
il
n'y
a
plus
de
danger,
l'obus
vient
d'éclater
et
de
tomber
à
quelques
mètres;
heureusement,
pas
de
victimes.
En
avant!
On
passe
devant
ce
trou
d'obus
(presque
rien,
mais
trop
pour
faire
le
voyage
dans
la
lune),
deux
à
trois
mètres
de
diamètre.
Les
uns
disent:
c'est
un
115,
d'autres:
un
150,
et
la
discussion
continue
à
voix
basse
sur
le
calibre
du
petit
pigeon
voyageur
qui
a
failli
en
raccourcir
quelques-uns.
On
arrive
à
la
tranchée;
en
quelques
minutes,
la
relève
est
faite,
chacun
se
place
dans
les
abris
respectifs;
on
travaille
toute
la
nuit
puis
on
veille
quelques
heures
(…);
De
suite
après
le
souper,
en
tenue
pour
les
avant-postes;
là-bas,
c'est
tout
autre
chose;
l'avant-dernière
fois,
j'étais
parti
au
poste
le
plus
avancé,
sur
de
petites
passerelles,
de
l'eau
de
chaque
côté.
J'étais
avec
mon
copain
Léon,
toujours
à
deux;
donc
nous
partons
par
un
orage
accompagné
d'une
pluie
diluvienne.
Au
fracas
du
canon
se
mêlait
le
bruit
du
tonnerre,
et
combien
de
fois
à
plat
ventre
dans
la
boue,
car
avec
cela,
on
voit
clair
comme
en
plein
jour.
Pour
les
obus,
"à
terre"
crie
le
gradé;
inutile,
personne
n'a
attendu
le
commandement,
et
c'est
ainsi
jusqu'à
ces
maudites
passerelles
placées
l'une
à
côté
de
l'autre.
Celui
qui
ne
regarde
donc
pas
à
terre
en
arrivant
au
bout,
c'est
l'inévitable
chute,
un
faux
pas
et
plouf!
Çà
y
est,
en
voilà
un
qui
prend
quelque
chose
pour
son
rhume,
il
se
tire
d'embarras
tout
seul.
Cela
arrive
si
souvent
qu'on
ne
se
retourne
pas
pour
si
peu;
un
bon
bain
dans
la
boue
et
l'eau
de
l'Yser
guérit
rhumes
et
bronchites.
Enfin,
on
arrive
à
l'endroit
désigné,
un
abri,
mais
plus
souvent
une
maison
(plutôt
ce
qui
fut
une
maison).
On
se
place
derrière
un
pan
de
mur.
Puis,
la
garde
en
avant
de
ce
poste;
on
se
rend
en
rampant,
sentinelle
double,
deux
heures
sur
le
ventre.
Par
un
pareil
temps,
la
pluie
et
l'orage,
on
peut
faire
de
la
soupe
avec
nos
effets.
Et
dire
qu'on
n'est
qu'à
15
à
20
mètres
des
sentinelles
ennemies!
Et
s'il
prenait
l'envie
à
l'un
de
ces
messieurs
de
nous
rendre
visite,
il
faudrait
bien
le
recevoir
comme
il
convient:
un
petit
plomb
dans
les
fesses!
(...).
Le
jour,
on
se
cache
derrière
le
petit
mur,
car
si
l'on
est
aperçu
par
un
observateur,
un
obus
dans
le
restant
de
la
maison
et
nous
sommes
tous
chocolat;
aussi,
ce
n'est
pas
très
facile
quand
on
doit
satisfaire
un
besoin;
mais
que
veux-tu?
C'est
la
guerre.
La
nuit
arrive,
la
relève
se
fait,
l'on
est
content
car
on
se
fatigue
beaucoup,
n'osant
pas
bouger.
Ce
n'est
pourtant
pas
fini,
devant
refaire
la
route
de
la
veille
sur
un
chemin
détrempé;
les
hommes
chancellent
et
s'abattent,
et
l'on
rit
malgré
tout.
On
arrive
au
campement:
deux
jours
de
repos."
Pour
nous,
c'est
le
monde
renversé!
La
nuit,
on
travaille
à
la
construction
des
abris
jusqu'au
matin;
après,
on
dort
jusqu'au
moment
où
un
obus,
venant
éclater
près
de
nous,
nous
réveille
en
sursaut.
La
vie
n'est
pas
toujours
très
belle,
mais
on
s'en
moque,
on
rit
du
danger;
quand
on
voit
le
feu
que
produit
le
coup
de
canon,
l'on
dit:
En
voilà
encore
un.
Et
quand
il
tombe:
Ce
n'est
pas
encore
pour
moi.
Ainsi,
un
jour,
nous
devions
prendre
position
à
un
poste
avancé,
sous
un
bombardement
violent
de
l'ennemi;
quel
voyage!
Nous
avons
mis
deux
heures
pour
faire
quatre
à
cinq
cents
mètres
sous
une
pluie
de
schrapnels,
d'obus
et
de
bombes,
et
malgré
tout,
nous
n'avons
eu
que
trois
blessés.
Donc,
comme
vous
voyez,
il
y
a
plus
de
peur
que
de
mal".
"Nos
soldats
n'ont
guère
de
peine
à
occuper
leurs
jours
de
repos.
En
effet,
malgré
la
fatigue,
il
faut
prendre
une
apparence
convenable.
C'est
le
grand
nettoyage,
tant
pour
les
hommes
que
pour
l'équipement.
Les
deux
jours
de
repos
qui
suivent
la
présence
en
première
ligne
sont
consacrés
au
blincage
du
fusil
et
au
nettoyage
des
effets.
Et
puis,
nous
ne
sommes
pas
seuls,
nous
vivons
en
famille;
vous
ne
pouvez
deviner,
non.
C'est
les
poux!
Oh!
Des
petits
…
comme
des
fourmis!
J'en
rapporterai
un
échantillon
à
mon
retour;
et
surtout,
on
n'en
trouve
pas
beaucoup:
dix
à
quinze
presque
chaque
jour;
vous
voyez
bien
qu'il
n'y
a
pas
à
s'inquiéter.
J'en
reviens
à
la
chanson
d'Hector
Baudet:
A
no
maison,
y
a
des
punaises
auusi
grosses
que
des
jônes
de
cats!
Mais
heureusement,
quand
nous
allons
au
repos,
nous
passons
aux
bains
militaires
où
on
se
lave
convenablement
dans
une
baignoire,
et
le
linge
passe
aux
vaporisateurs,
donc
les
poux
qui
s'y
trouvent
sont
brûlés.
On
reçoit
en
outre
une
propre
chemise,
caleçon
et
chaussettes;"
"On
fait
la
chasse
journellement.
C'est
un
beau
spectacle
à
voir
les
hommes
assis
sur
l'herbe,
à
demi-nus,
cherchant
dans
les
caleçons
et
dans
les
chemises,
et
massacrant
cette
vermine,
car
il
est
impossible
de
dormir
avec
des
bêtes
sur
le
corps.
Si
j'avais
un
appareil
photographique,
je
vous
rapporterais
un
spécimen
de
ces
chasses
au
cerf…
Comme
vous
le
voyez,
le
remède
est
à
côté
du
mal."
Depuis
son
arrivée
au
front,
notre
homme
a
changé
d'uniforme:
"Nous
avons
la
nouvelle
tenue
kaki
(…),
je
ressemble
à
un
English,
même
costume
et
même
képi
qu'eux."
Quand
l'hiver
arrive,
il
s'estime
bien
protégé:
"Chaque
soldat
possède
une
tente
qui,
en
cas
de
pluie,
sert
d'imperméable;
nous
possédons
de
bons
souliers
et
une
paire
de
rechange;
les
chaussettes
ne
font
pas
défaut;
j'ai
un
capuchon
imperméabilisé
et
de
bons
gants,
car
on
reçoit
également
de
ces
petites
choses
de
personnes
charitables.
Presque
chaque
soldat
a
ainsi
une
personne
qui
s'occupe
de
lui
et
qui
remplace
sa
mère
ou
une
sœur
pour
moi,
c'est
une
Anglaise
(oh
yes!),
et
Léon,
une
Française."
"Je
dois
vous
dire
que
j'ai
connu
son
adresse
d'une
drôle
de
façon.
Un
jour,
en
recevant
une
boîte
de
plata
,je
pus
la
lire
sur
le
couvercle;
je
lui
écrivis
et
depuis,
je
suis
en
correspondance
avec
cette
Miss
(de
la
boîte
à
plata).
Vous
en
rirez
peut-être,
mais
c'est
ainsi.
Vous
voyez
donc
qu'il
y
a
également
des
femmes
françaises
et
anglaises
remplaçant
notre
mère
et
qui
nous
appellent
leur
fils."
La
"Miss
de
la
boîte
à
plata"
n'est
pas
la
seule
à
s'occuper
de
François
Blomart.
Alors
qu'il
partait
en
France
en
octobre
1914,
il
avait
été
hébergé
pendant
quelque
temps
à
Coudekerke,
près
de
Dunkerque,
par
la
famille
Ingelaere.
"Ces
gens
ont
toujours
été
bons
pour
moi
et
mon
ami."
C'est
là
qu'il
enverra
ses
vêtements
civils
lorsqu'il
recevra
son
uniforme;
c'est
là
aussi
qu'il
ira
en
congé,
et
il
y
retournera
encore
en
1919,
alors
qu'il
fait
partie
de
l'armée
d'occupation
en
Allemagne.
Le
soir,
dans
la
tranchée,
pour
tuer
le
temps,
"on
fume
une
bonne
piplotte
et
cigarettes,
de
bonnes
cigarettes
anglaises
(en
France,
on
fume
également
la
cigarette
et
l'on
boit
le
café
dans
des
verres
à
pied),
et
on
ch…
par
la
fenêtre."
La
nourriture
consiste
pour
l'ordinaire
en
"raton,
café,
pain
et
viande".
Parfois,
c'est
la
permission
en
France,
au
bord
de
la
mer;
Ainsi
passe
le
temps,
ainsi
passent
les
années.
Entre
le
4
novembre
1915
et
le
29
octobre
1918,
notre
Lessinois
n'expédie
plus
aucune
lettre
explicite;
du
moins,
aucune
ne
nous
est
parvenue
datée
de
cette
période.
Nous
ne
possédons
que
cinq
cartes-lettres
sans
intérêt
anecdotique.
Le
29octobre
1918,
il
écrit
pour
donner
de
ses
nouvelles
et
faire
part
de
son
espérance
de
voir
bientôt
le
pays
délivré
et
de
pouvoir
revoir
tous
les
siens.
6.
A
l'armée
d'occupation.
11
novembre
1918:
l'amistice!
Si
la
joie
est
grande
de
savoir
les
siens
"délivrés
de
la
tyrannie
boche",
le
regret
ne
l'est
pas
moins
de
"ne
pouvoir
venir
vous
revoir
bien
que
ce
soit
mon
plus
cher
désir;
n'accordant
pas
de
permission
pour
le
moment,
il
faut
que
je
me
résigne
quelques
jours
encore.
Mais
bien
vite,
il
pourra
revoir
sa
famille
avant
de
reprendre
le
chemin
de
l'Allemagne.
"Nous
allons
en
promenade
là-bas,
ou,
si
vous
voulez
mieux,
nous
allons
pour
reposer
nos
rhumatismes;
c'est
donc
une
promenade
de
santé
(…)
D'ici
trois
ou
quatre
jours,
nous
arriverons
à
la
frontière
où
nous
prendrons
certainement
un
repos
de
quelques
jours
avant
d'aller
en
Bochie
voir
les
fameuses
gretchens"
"Bientôt,
nous
aurons
à
prendre
notre
sérieux
à
deux
mains
et
friser
nos
moustaches
pour
avoir
l'air
plus
terrible
et
faire
trembler
le
peuple
teuton;
attention
à
la
danse!"
Au
cours
de
ce
voyage,
pénible
sans
doute
puisque
le
soldat
marche
chaque
jour
sac
au
dos
par
un
vilain
temps,
les
hommes
sont
logés
chez
les
habitants:
"Nous
sommes
ici
en
famille
près
d'un
bon
petit
feu
et
cela
nous
rappelle
les
soirées
de
famille
d'autrefois;
souvent,
nous
couchons
sur
de
bons
matelas
étendus
dans
les
cuisines
et
nous
n'avons
pas
froid
pour
dormir."
Bref
cette
vie
est
assez
agréable
au
soldat
qui
part
"voir
la
figure
de
ces
nouveaux
cochons
d'Inde".
Les
voici
enfin:
"C'est
étonnant
comme
les
civils
s'empressent
autour
de
nous;
ils
se
mettraient
à
genoux
pour
nous
servir;
c'est
sans
doute
la
peur
qui
est
la
cause
de
cette
amabilité,
la
peur
de
subir
le
sort
qu'ils
ont
fait
à
vous
tous
"I
L'attitude
des
Rhénans
semble
partout
la
même:
"Nous
sommes
accueillis
avec
la
même
gentillesse
et
ce
n'est
pas
rare,
lorsque
nous
sommes
en
route,
de
voir
les
civils
offrir
des
cigares
aux
soldats,
mais
malgré
tout,
on
se
méfie
d'eux
et
la
haine
contre
cette
race
reste
toujours
la
même."
Cette
haine
du
Boche
est
une
constante
dans
toutes
les
lettres
écrites
après
l'armistice.
Nous
croyons
utile
d'en
citer
quelques
exemples.
"Nous
n'y
regardons
pas
de
trop
près,
et
nous
savons
aussi
les
faire
trembler.
Quand
il
y
a
moyen
de
s'approprier
quelque
chose,
on
ne
manque
pas
de
le
faire
et
j'ai
déjà
goûté
les
cigares
boches
ainsi
que
le
vin
acheté
à
bon
compte
à
Aix-la-Chapelle;
hier
encore,
nous
avons
dégusté
quelques
bonnes
bouteilles
achetées
ici
aussi;
vous
voyez
donc
que
l'on
n'attend
pas
d'avoir
soif
pour
boire
un
coup.
(…)
Quand
nous
nous
promenons,
nous
ne
nous
dérangeons
pour
personne
et
celui
qui
ne
s'écarte
pas
assez
vite
est
jeté
sur
le
côté;
cela
fait
rire
un
peu
et
j'espère
bien
que
nous
aurons
encore
l'occasion
de
faire
autre
chose;
pour
le
moment,
ce
n'est
encore
que
le
commencement."
"Quelle
marmaille
on
trouve
dans
ce
pays
boche!
Cela
ressemble
tout
à
fait
à
un
tas
de
fourmis
sortant
du
trou.
(…)
Vraiment,
il
faudrait
faire
la
guerre
ici
pendant
quelque
temps
pour
que
ces
têtes
de
mangeurs
de
choucroute
disparaissent."
"Je
dois
rire
quand
je
lis
la
recommandation
faite:
"
Ne
vas
surtout
pas
faire
les
yeux
doux
aux
gretchens".
Vous
avez
donc
bien
peur
que
j'aille
me
salir
avec
elles;
ne
vous
en
faites
pas
pour
cela,
je
n'ai
pas
le
cœur
de
ceux
qui
oublient
tout
ce
que
cette
race
a
commis
en
Belgique.
C'est
une
race
qui
m'est
des
plus
antipathique
e
dont
le
nom
seul
fait
bouillir
mon
sang;
Plus
tard,
lorsque
je
reviendrai
en
permission,
vous
verrez
ce
que
vaut
pour
moi
ce
séjour
en
Allemagne,
et
vous
pourrez
juger
à
quel
point
je
hais
cette
vermine
boche;
oui,
je
la
hais
et
je
hais
aussi
ceux
qui,
parmi
nous
sympathisent
avec
eux,
ceux
qui
ont
oublié
trop
vite
les
crimes
commis
en
Belgique
par
ces
assassins,
ceux
qui
ne
pensent
plus
aux
atrocités
commises
par
ces
vandales,
ceux
qui
oublient
le
martyre
de
frères
déportés
en
Allemagne,
enfin,
ceux
qui
oublient
le
sang
versé
par
tant
de
frères
d'armes
et
dont
le
sacrifice
de
la
vie
crie
vengeance.
Ils
sont
nombreux
ceux
qui
commettent
cette
lâcheté
et
cette
bassesse,
et
ce
spectacle
déshonorant
blesse
l'amour-propre
de
ceux
qui
n'oublient
pas."
Pourtant,
la
vie
passe
assez
sereinement
entre
deux
permissions.
"Maintenant,
c'est
la
petite
vie
tranquille
pour
le
restant
de
notre
service,
car
nous
seront
séparés
des
recrues,
nos
officiers
sachant
qu'avec
nous
ils
ne
pourraient
rien
faire
de
bon,
car
l'exercice,
il
n'en
faut
plus
à
ceux
qui
ont
fait
quatre
ans
de
guerre."
Nos
hommes
sont
maintenant
logés
dans
une
rue
retirée
du
bourg,
à
quatre
ou
cinq
par
pièce,
avec
poêle
et
électricité,
là
"où
la
marmaille
boche
ne
vient
pas
nous
ennuyer"
Evidemment,
on
serait
mieux
chez
soi,
mais
"si
les
journaux
en
Belgique
rapportent
que
ma
division
va
être
relevée,
il
ne
faut
pas
y
croire,
car
il
n'y
a
rien
de
vrai;
ce
ne
sont
que
de
faux
bruits
qui
circulent
et
nous
resterons
encore
ici
pendant
au
moins
deux
mois,
et
voici
une
preuve
de
ce
que
j'avance:
c'est
que
les
officiers
supérieurs
font
venir
près
d'eux
leur
famille;
c'est
donc
qu'ils
savent
que
nous
sommes
encore
ici
pour
quelque
temps."
Pendant
cette
période
d'occupation,
François
Blomart
assiste
de
loin
aux
troubles
qui
secouent
l'Allemagne.
"Il
est
bien
vrai
qu'il
se
passe
de
drôles
de
choses
en
Allemagne
car
chaque
jour,
j'entends
le
canon,
mais
cela
se
passe
de
l'autre
côté
du
Rhin
et
ce
ne
sont
donc
que
les
Boches
qui
se
tuent
entre
eux;
(…)
hier
avaient
lieu
les
élections
et
il
ne
s'est
passé
aucun
incident;
c'était
ici
le
calme
le
plus
complet."
Mais
François
Blomart
ne
terminera
pas
son
service
dans
ces
contrées
et
avant
d'être
démobilisé,
il
reviendra
à
Tournai
pour
peu
de
temps.
7.
Moral
et
sentiment
patriotique.
Comment
François
Blomart
a-t-il
réagi
au
cours
de
ces
années
de
guerre?
Comment
son
moral
a-t-il
évolué?
A
la
lecture
de
ses
lettres,
certains
éléments
dominent:
son
principal
souci
a
toujours
été
de
rassurer
les
siens,
de
leur
donner
confiance.
Bien
sûr,
il
y
a
des
moments
de
dépression
dus
à
l'éloignement,
à
l'absence
de
nouvelles
de
sa
famille,
au
spectacle
de
la
guerre
surtout.
Mais
ce
qui
frappe
le
plus,
c'est
sa
volonté
de
vaincre,
de
survivre
pour
revoir
sa
chère
ville
après
la
fin
des
combats.
Il
faudrait
citer
des
extraits
de
toutes
les
lettres;
force
nous
est
cependant
de
sélectionner.
Dès
les
premiers
jours
d'octobre
1914,
il
écrit
à
ses
parents
pour
les
rassurer:
"Comme
vous
le
voyez,
c'est
très
gai,
l'on
voit
du
pays
à
bon
compte
et
cela
nous
plaît
très
bien.
(…)
Nous
avons
vu
des
trains
bondés
de
soldsats
français
et
anglais
ainsi
que
des
autos
mitrailleuses
(…)
quand
on
voit
cela,
on
a
du
courage
et
de
l'espoir."
"Je
me
plais
très
bien.
Ce
qui
m'inquiète,
c'est
de
savoir
comment
il
va
à
Lessines."
"Pour
ma
part,
je
me
porte
très
bien
et
continue
à
vivre
dans
la
voie
que
vous
m'avez
tracée
et
n'oublie
pas
mes
devoirs
religieux;
jusque
maintenant,
je
n'ai
encore
encouru
aucune
punition,
pas
même
un
jour
d'arrêt
et
j'espère
continuer
de
la
sorte."
"Je
crois
bien
que
quand
vous
aurez
appris
que
j'étais
au
front,
vous
vous
êtes
fait
du
chagrin,
mais
pourquoi
cela,
inutile.
On
ne
meurt
pas
parce
qu'on
fait
la
guerre."
Et
cette
lettre
se
termine
par
un
clin
d'œil:
"Garçon,
une
aune
de
boudins,
une
portion
de
beignets
aux
pommes
et
une
bonne
bouteille
de
bière,
et
en-avant
les
obus!".
Bref,
"Je
ne
perds
rien
de
ma
bonne
humeur,
je
ris
et
je
chante
comme
à
l'habitude,
en
attendant
le
bienheureux
jour
où
nous
pourrons
revivre
les
beaux
jours
du
passé."
Un
an
après
son
départ
de
la
maison
paternelle,
il
écrit
encore:
"Consolez-vous,
prenez
courage!
Un
jour
viendra
où
l'absent
viendra
reprendre
sa
place
au
foyer
familial."
Bien
sûr,
parfois
une
certaine
nostalgie
apparaît.
Il
ne
peut
s'empêcher
d'évoquer
le
souvenir
des
années
passées
avec
ses
amis
du
patronage
et
le
vicaire
Lepoivre.
"C'est
surtout
à
l'heure
des
repas,
et
le
soir,
où
l'on
se
trouvait
en
famille,
que
je
songe
à
vous
et
aux
taquineries
que
l'on
se
faisait
étant
à
table;
et
maintenant
que
l'on
se
trouve
seul,
éloigné
de
tout
ce
que
l'on
a
de
plus
cher
au
monde,
de
ses
parents,
de
sa
famille;
mais
un
jour
viendra
où
nous
serons
réunis
pour
ne
plus
nous
quitter
et
vivre
tranquillement
ensemble,
oubliant
les
mauvais
jours
passés."
"Si
vous
le
pouvez,
ajoutez
à
votre
lettre
une
carte
de
la
Grand-Rue."
LESSINES!
Que
de
fois
ne
s'est-il
pas
inquiété
de
ce
qui
s'y
passait!
Il
apprendra
ainsi
par
diverses
sources
que
"les
trois
dernières
classes
ont
dû
verser
les
armes
et
vont
faire
partie
d'une
équipe
de
travailleurs;
que
le
ravitaillement
de
la
ville
se
fait
par
le
consul
américain."
Il
dit
aussi
savoir
qu'
"il
y
a
500
Allemands
logés
à
l'habitant
et
que
la
Garde
Civique
doit
se
rendre
à
l'hôtel
de
ville
deux
fois
par
mois
pour
l'appel."
Il
est
aussi
au
courant
"de
ce
qui
s'est
passé
au
sujet
des
maîtres
de
carrières".
Mais
nous
l'avons
dit,
ce
qui
ressort
peut-être
encore
davantage
de
ces
lettres,
c'est
le
désir
de
vaincre,
c'est
cette
espèce
de
patriotisme
exalté
qui,
pas
un
instant,
ne
fléchit.
"Nous
reviendrons
après
avoir
fait
notre
devoir
comme
tant
d'autres."
"Ne
vous
laissez
pas
abattre
par
de
faux
bruits
qui
pourraient
courir;
si
le
soldat
belge
a
la
figure
triste,
c'est
parce
qu'il
songe
aux
êtres
aimés
laissés
derrière
lui;
mais
au
moindre
geste
du
chef,
quand
il
s'agit
de
faire
un
sacrifice,
les
figures
se
changent,
les
yeux
s'illuminent,
brûlant
du
désir
de
marcher
en
avant
pour
sauver
les
siens,
et
quand
il
s'agira
de
faire
le
coup,
aucun
ne
restera
en
arrière,
ce
sera
la
mort
pour
d'aucuns,
mais
aussi
le
triomphe
pour
les
autres
et
la
délivrance
du
pays."
Le
plus
beau
morceau
du
genre
est
sans
doute
cette
lettre
qu'il
écrit
à
sa
mère
le
5
août
1915:
"A
ma
bonne
Mère,
C'est
par
un
beau
soleil
d'août
que
je
suis
couché
sur
le
sable
au
bord
de
la
mer.
J'ai
fermé
les
yeux
pour
voir
ma
Mère,
revoir
la
ville,
la
maison,
la
chambre,
la
table
où
on
était
en
famille
à
l'heure
des
repas,
et
où,
maintenant,
il
reste
une
place
vide.
J'ai
pleuré,
j'ai
regretté
ce
passé
heureux
que
l'ennemi
a
eu
l'audace
de
venir
troubler.
Oui,
j'ai
regretté
ce
passé,
mais
non
l'acte
que
j'ai
commis
en
me
dévouant
pour
ma
seconde
mère
…
ma
Patrie!
Car
ma
haine
grandit
de
jour
en
jour.
Pour
ma
Patrie,
je
fais
journellement
le
sacrifice
de
ma
vie.
Pour
ma
Patrie,
mon
bras
s'est
armé
pour
la
venger.
Pour
ma
Patrie,
mon
bras
s'est
armé
pour
rendre
à
son
vaillant
Roi
et
à
sa
vaillante
Reine
leur
pays;
je
le
sais
malheureusement
ruiné,
mais
son
peuple
n'a
cessé
de
les
aimer
et
de
les
respecter.
Et
voilà
pourquoi,
chaque
jour,
je
me
rends
à
la
tranchée,
le
sourire
aux
lèvres,
ne
pensant
qu'à
ma
Patrie
et
à
ma
Mère,
dont
je
suis
séparé
depuis
déjà
si
longtemps,
mais
conservant
tout
de
même
l'espoir
de
venir
reprendre
un
jour
ma
place
au
foyer
familial."
8.
En
guise
de
conclusion.
Nous
terminerons
ici
cette
étude
de
la
correspondance
de
François
Blomart.
Notre
milicien
de
la
classe
14,
après
avoir
échappé
aux
dangers
de
cette
guerre
qui
a
englouti
ses
plus
belles
années
de
jeunesse,
après
avoir
"pris
plus
qu'on
en
désire
de
cette
maudite
boue
glorieuse
de
l'Yser"
,
a
connu
le
bonheur
de
retrouver
les
siens.
Mais
à
quel
prix!
Marqué
pour
toujours
par
ces
quatre
ans,
il
n'oubliera
jamais,
indifférent
à
bien
des
joies
de
l'existence:
"Toutes
ces
machines-là,
écrit-il
en
1919
en
parlant
de
la
kermesse,
ne
me
disent
plus
rien;
la
guerre
a
fait
de
moi
un
être
tout
à
fait
autrement
que
les
autres
et
les
plaisirs
que
je
trouve
maintenant
sont
bien
rares…
Tout
m'est
indifférent."
Annexe.
Nous
croyons
être
agréables
à
certains
Lessinois
en
publiant
ci-dessous
les
noms
de
soldats
de
la
région
qui
sont
cités
dans
les
lettres
de
François
Blomart,
avec
les
renseignements
qu'il
donne
à
leur
sujet.
N'oublions
pas
que
les
Lessinois
étaient
nombreux
au
front.
Dans
une
de
ses
lettres,
François
Blomart
écrit
d'ailleurs:
"Ici,
on
croit
vivre
dans
la
cité
lessinoise;
on
en
rencontre
de
tous
les
côtés;
il
n'est
pas
rare
de
se
trouver
trente
ou
quarante
ensemble."
Dans
cette
liste,
nous
ne
reprendrons
pas
les
noms
de
son
ami
Léon
Roland,
de
la
Porte
d'Ath,
ni
de
son
cousin
Gaston
Walravens,
de
Deux-Acren,
tous
deux
très
souvent
cités.
04.10.1914:
nous
sommes
avec
Emile,
le
beau-fils
Révelard.
20.10.1914:
je
crois
qu'il
y
en
a
un
de
Lessines
qui
va
avoir
son
congé
définitif
et
qui
va
revenir,
le
fils
"Milo
de
Ghoy"
comme
on
dit,
à
la
Porte
d'Ogy.
21.02.1915:
j'ai
été
voir
Beaudoin
Willocq
qui
est
en
traitement
près
de
Sommervieu;
j'ai
aussi
appris
que
Sion
Art,
Fr.
Paté,
Fr.
Beugniez
et
Louis
Jous
sont
prisonniers
en
Hollande.
Sont
aussi
en
Angleterre:
Maurice
Dubois,
Fr.
Devoghel
et
quelques
autres
Lessinois
dont
j'ai
oublié
le
nom.
11.03.1915:
Maurice
Ravache,
en
parfaite
santé,
toujours
au
front.
23.02.1915:
idem.
14.04.1915:
idem.
D'après
ce
que
m'a
raconté
Baudoin
Willocq,
Léon
Bonge
est
prisonnier
en
Allemagne.
12.07.1915:
Maurice
Ravache,
Emile
Grimiaux,
Léon
Puchot,
Hector
Decnop,
Vandercam
et
bon
nombre
d'autres,
ainsi
que
Clément
Fréteur
et
Louis
Dubuisson
sont
toujours
très
bien
portants.
05.08.1915:
A
été
tué
le
20
juillet
le
fils
du
"Gros
Mil",
une
balle
dans
la
tête.
02.10.1915:
Voici
la
liste
des
connaissances
qui
sont
en
bonne
santé:
Arthur
Marez,
Léon
et
Victor
Keymeulen,
Modeste
Deschrijver,
Léon
Roland,
Emile
Willame,
Joseph
Stiévenart,
François
Spitaels,
les
frères
Carion,
Aimable
Vanderfraen,
Emile
Grimiaux,
Léon
Puchot,
Emile
Masteille,
le
beau-fils
"Louis
à
Oranges",
je
ne
sais
plus
son
petit
nom,
son
nom
de
famille
est
Delaunoy,
du
Calvaire;
Alexandre
Vandercam,
Maurice
Nève,
Roch
Driss,
Victor
Van
Vynck,
Théodore
Grard,
Maurice
Ravache,
Louis
Dejehansart,
le
fils
Mercenier,
Lelièvre
Hilaire,
Tacquenier
Henri,
Albert
Gaublomme,
le
gros
Félix,
Auguste
Scardy,
Roger
Cuvelier,
Paul
Lumen,
Fernand
Lenoir,
Marcel
Nève,
Georges
Deligne,
Joseph
Marquebreucq,
Arits,
les
fils
Rousseaux
qui
ignorent
la
mort
du
père,
Gaston
Roy,
le
fils
Maquignon,
Léon
Godisiabois,
César
Bruyns,
le
fils
Emile
Pinette,
Paul
Roland,
joueur
de
balle
à
Papignies,
le
fils
Willocq,
de
Wannebecq,
Davoise,
des
Sarts,
Fernand
Goot,
et
un
grand
nombre
dont
leurs
noms
ne
me
reviennent
pas.
02.10.1915:
Sont
en
France
au
centre
d'instruction:
Decnop
Hestor,
Clément
Fréteur
et
Louis
Dubuisson.
Sont
tués
dont
je
connais:
Ed.
Hotton,
Edmond
Janssens,
qui
habite
près
de
la
carrière
du
bois
et
Dutillieux
Louis,
de
la
rue
du
Couvent,
tué
il
y
a
un
mois
de
façon
malheureuse
à
la
relève,
par
une
balle
qui
lui
traversa
la
cuisse,
les
parties
et
resta
dans
le
bas-ventre,
mort
en
arrivant
à
l'hôpital;
c'était
un
bon
camarade,
il
est
parti
de
la
maison
avec
moi;
si
les
parents
n'en
savent
rien,
ne
pas
en
parler.
04.11.1915:
A
également
été
tué,
le
nommé
Marcelin
Chjanoine,
de
la
Motte.
Sont
arrivés
au
front:
Clément
Fréteur,
Louis
Dubuisson,
Decnop
Hector,
le
fils
Caucheteur,
de
la
Porte
des
Pierres,
le
petit
Tambour,
le
fils
Duflaire,
Devoghel
Clément.
Sont
en
bonne
santé
que
j'avais
oublié
de
dire:
Joseph
Chombaert,
le
fils
du
maïeur
de
la
rue
de
Grammont,
les
deux
Verset,
Ed.
Michel,
le
fils
Crombin,
le
fils
Canette,
Clément
Corbisier,
Charles
VanEghem,
Arthur
Daumerie,
Norbert
Meynsbrughen,
Camille,
de
Deux-Acren,
qui
travaillait
avec
mon
frère
Jules,
Louis
Lampe,
des
Sarts.
J'en
connais
d'autres
mais
je
ne
sais
dire
leurs
noms.
13.11.1918:
Emile
Grimiaux
est
en
parfaite
santé.
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