Petites notes d'Histoire Locale

Jacques Declercq

Le 11ème Bataillon Principal du Train d'Artillerie en 1813-1814

- Fleurus - Mars 2001 -

 LE 11ÈME BATAILLON PRINCIPAL DU TRAIN D'ARTILLERIE EN 1813 - 1814

 Article publié in "Carnet de la Sabretache" Nouvelle série, n° 66, 1er trimestre 1983.

N. D. L. R.: Des recherches d'histoire familiale ont conduit notre confrère Jacques Declercq, de Fleurus (Belgique), à se pencher sur un bataillon du train d'artillerie dans les dernières années du Ier  Empire. L'intérêt de cette étude est de montrer sur un exemple les procédés employés pour reconstituer une armée après le désastre de Russie et pour la renforcer pendant l'armistice de Pleiswitz: regroupement des rescapés dans les corps maintenus à l'armée de l'Elbe, formation de compagnies nouvelles par prélèvements successifs de cadres d'unités en Espagne et affectation de conscrits de 183 puis de 1814, etc. Est également mise en évidence une difficulté bien connue de ceux qui ont essayé de chiffrer les pertes de l'époque , celle de connaître le nombre de prisonniers et de " rayés pour longue absence" rentrés directement chez eux.

 

Si l'on connaît l'existence et le rôle du train d'artillerie sous l'Empire, on ignore bien souvent certains détails d'organisation ainsi que les historiques des divers bataillons qui l'ont composé.

Ecrire un tel historique est une tâche particulièrement ardue qui reviendrait à réécrire l'histoire de toutes les divisions de l'armée napoléonienne au cours de son existence.

En effet, les diverses compagnies du train d'artillerie sont réparties entre les divisions, les parcs des corps d'armée, ceux des réserves, le grand parc général de l'armée et ceux des places fortes.

Cependant, l'étude de l'histoire du corps d'observation de l'Elbe en 1813 (devenu par la suite 5ème corps d'infanterie de la Grande Armée) nous a amené à dépouiller aux archives de Vincennes les états de situation, registres matricules et autres documents relatifs au 11ème bataillon principal du train d'artillerie en 1813 - 1814.

Rappelons, pour mémoire, que dès le 1 octobre 1786, les conducteurs des charrois d'artillerie étaient compris dans le corps royal de l'artillerie.

Pendant la période révolutionnaire, l'acheminement des convois d'artillerie jusqu'aux lieux des combats était laissé aux soins d'entreprises privées civiles dont le personnel, peu concerné par la gloire militaire, n'hésitait pas à abandonner les pièces aux artilleurs dès les premiers coups de feu.

C'est pour remédier à cet état de fait que le 3 janvier 1800, le Premier Consul organise militairement les conducteurs de l'artillerie en huit bataillons. Cette organisation sera renforcée à plusieurs reprises au cours du règne de Napoléon Ier.

Ainsi, le nombre de compagnies par bataillon passe de cinq à six le 4 août 1801. Le 20 septembre 1804, l'effectif passe à dix bataillons dédoublables en temps de guerre. Un onzième bataillon est créé le 3 octobre 1805 et deux autres le 28 août 1806. Ces treize bataillons seront dédoublés le 18 avril 1810 et un quatorzième bataillon, formé de Hollandais, sera créé à cette même date.

Les troupes formant ces divers bataillons seront, comme pour le reste de l'armée impériale, issues du volontariat et de la conscription. Compte tenu de leur mission, "les conscrits sachant soigner les chevaux et conduire les voitures seront, de préférence, affectés aux bataillons du train et des équipages."

 

Situation en 1812.

En 1812, le 11ème bataillon principal du train d'artillerie, dont le dépôt est à Metz, a ses compagnies réparties comme suit: les 1ère, 3ème, 4ème, 5ème et 6ème compagnies sont en Espagne, la 2ème étant en Russie avec des détachements des 4ème et 6ème.

Le 1 mai 1812, septante et un soldats et nonante et un chevaux de trait de la 1ère compagnie sont versés dans la 1ère compagnie du 5ème bataillon principal de même arme à Salamanque ainsi que le constate le procès-verbal dressé par le sous-inspecteur aux revues de la 6ème division de l'armée du Portugal.

Le cadre de la compagnie, composé du sous-lieutenant Quentin, d'un chirurgien aide-major, d'un maréchal des logis chef, de deux maréchaux des logis, d'un fourrier, de deux brigadiers, de deux trompettes et de quatre ouvriers, devra rentrer au dépôt du bataillon avec quatre chevaux d'officiers.

Ce document nous fait également connaître l'équipement, l'habillement et le harnachement dont dispose la compagnie : 69 habits-vestes, 59 gilets de dragon, 62 gilets d'écurie, 64 culottes de peau, 70 shakos et cordons, 59 bonnets de police, 70 capotes, 69 gibernes et autant de porte-gibernes, 69 ceinturons de sabre, 70 paires de bottes, autant de paires d'éperons et de porte-manteaux, 10 selles, 19 licols d'écurie, 10 brides montées, 19 longes, 9 harnais de devant et 10 de derrière, 70 sabres et 70 fusils dont 20 ont été ramassés sur les routes par un pareil nombre de soldats "qui n'en avaient pas reçu du gouvernement".

D'autre part, la solde reste due du 1 juin 1811 au 31 décembre 1811 et du 1 janvier 1812 au 30 avril 1812, ainsi que pour les mois de septembre, octobre, novembre et décembre 1809, janvier, février, mars, avril, novembre et décembre 1810.

La fin de 1812 et le début de 1813 connaissent la réorganisation des divers corps à la suite du désastre de Russie où ont été pratiquement détruits les détachements des 4ème et 6ème compagnies; la trentaine de survivants de la 2ème compagnie (sur 160 hommes) est destinée à être versée au 1er bataillon bis.

Le sous-lieutenant Brasseur, qui la commandait, rentre à Metz très éprouvé par cette campagne puisqu'il ne pourra servir avant un certain temps, n'étant pas en état de marcher. Le 6 mai 1813, il sera nommé lieutenant à la 3ème compagnie.

 

L'état-major du bataillon en 1813 - 1814.

En 1813, le bataillon est commandé par un vieux routier du train. Né à Fontainebleau le 11 juin 1760, Augustin Delatour entre au service dans les équipages d'artillerie le 29 juillet 1792. Il est inspecteur des équipages d'artillerie pour le compte des entrepreneurs le 29 messidor an II et chef de division le 24 messidor an VI. Le 1 germinal an VIII, on le retrouve capitaine commandant le 4ème bataillon du train et il rétrograde lieutenant à la refonte des bataillons le 1 frimaire an X. Le 1 fructidor an XI, il est adjudant-major au 2ème bataillon bis du train d'artillerie et le 16 frimaire an XIV, il est désigné capitaine commandant le 11ème bataillon principal du train d'artillerie.

Lorsque, le 27 mai 1813, il est nommé chef d'escadron, il totalise 14 campagnes.

Une décision ministérielle du 17 juin 1813 remet en activité dans son grade, en le désignant comme commandant en second, le capitaine Fortuné Magnan, qui avait servi dans le train d'artillerie. Resté dans les places d'Allemagne, il est remplacé en février 1814 par le capitaine Bertrand. Il rentre à la paix et partira le 26 août 1814 pour rentrer dans ses foyers et jouir du traitement qu'il recevait à sa remise en activité.

Le 5 août 1813, le lieutenant Huot, de la 4ème compagnie, est désigné comme commandant en troisième.

Le lieutenant adjudant-major Louis Bernel passe capitaine commandant en second au 12ème bataillon principal du train d'artillerie le 5 août 1813. Il est remplacé par le lieutenant Quevreux, venant du 10ème bataillon bis du train d'artillerie, qui a un frère, François, maréchal des logis au bataillon, et un autre servant au 72ème de ligne.

Le sous-lieutenant Léon Hivart, passé lieutenant le 12 août 1813, est quartier-maître du bataillon. L'adjudant sous-officier Antoine-Louis Pessorneaux, nommé sous-lieutenant le 28 décembre 1812 , passe avec ce grade au 2ème régiment du train d'artillerie de la Garde le 1 mai 1813. Il est remplacé par le maréchal des logis-chef  Jean-Nicolas Royer, venant du 2ème bataillon principal du train d'artillerie (Armée du Midi); il sera fait prisonnier de guerre en Espagne et son poste sera finalement occupé par le maréchal des logis-chef  J. B. Carpentier.

Le 10 janvier 1814, le maréchal des logis Pierre Brunet, de la 2ème compagnie, est également nommé à cet emploi. Il part en congé absolu le 31 août 1814.

François Van Poppel, originaire de Zevenberg (département des Deux-Nèthes) est le chirurgien aide-major du bataillon. Le sous-aide-major, Jean-Louis Fabre, licencié à sa demande pour cause de mauvaise santé le 14 janvier 1813, est remplacé par Louis-Auguste Masson, venant des hôpitaux de la 10ème division militaire. Il rentrera dans ses foyers en juillet 1814 avec traitement de non activité.

Enfin, le corps dispose de deux vétérinaires:

Nicolas Mangin, artiste vétérinaire en premier, "bonne conduite, beaucoup de zèle et de connaissance", né à Mondelange (Moselle), est signalé comme étant susceptible de réforme, étant atteint de plusieurs cicatrices avec perte de substance au voile du palais et d'une plaie fistuleuse à l'intérieur du crâne produite par un coup de pied de cheval à la suite de quoi il a subi l'opération du trépan. Il part en congé de réforme le 13 août 1814.

Le maréchal vétérinaire en second, Pierre-Noël Dupuis, arrivé au bataillon le 24 juillet 1813, a "beaucoup d'instruction, de conduite et de zèle" et part rejoindre le 14ème corps à Dresde, mais il ne donne plus de ses nouvelles après le 1 octobre 1813 et on le présume prisonnier de guerre en Allemagne.

 

La 1ère compagnie.

La 1ère compagnie est commandée par le lieutenant Jean-Baptiste Quentin, assisté à partir du 6 mai 1813 par le sous-lieutenant Pierre Lambert, ex-maréchal des logis-chef à la 5ème compagnie et qui sera détaché à la 7ème compagnie. Resté dans la place de Glogau d'où il rentrera après la paix, le sous-lieutenant Lambert est remplacé en février 1814 par le sous-lieutenant Brunel venant de la 6ème compagnie.

Fin 1812, la 1ère compagnie reçoit des conscrits de 1813; elle est complétée en janvier 1813 par des conscrits venant du 9ème léger et du 96ème de ligne pour atteindre, le 1 mars, un effectif de 148 hommes et 248 chevaux. Pour mettre cette compagnie au grand complet, il importe de pourvoir à la désignation de maréchaux des logis, fourriers, brigadiers et chef armurier. Or, il est impossible de procéder à ces nominations dans le respect des règles en vigueur car on ne dispose pas d'hommes ayant l'ancienneté suffisante. Aussi, le 12 janvier, le capitaine Delatour doit-il se résoudre à proposer au ministre de la Guerre la nomination à ces postes d'enrôlés volontaires et de conscrits réunissant une bonne conduite et de la moralité, montrant de la fermeté et ayant le désir de bien servir.

La compagnie, avec un détachement de la 7ème, sera attachée à la 2ème division d'infanterie du 5ème corps de la Grande Armée (général de division Puthod), division qui, après avoir participé à la campagne de printemps 1813, sera anéantie le 29 août 1813 aux environs de Löwenberg (98 hommes du train d'artillerie y seront prisonniers de guerre).

L'effectif total de cette compagnie et du détachement qui l'accompagne va osciller entre 141 et 219 hommes et 99 et 318 chevaux pendant la période février-août 1813.

A titre indicatif, le matériel d'artillerie de cette division se composait de 16 bouches à feu (12 canons de 6 et 4 obusiers de 24) et 38 à 44 voitures (affûts de rechange, caissons et chariots à munitions, forge de campagne).

Les rescapés seront ensuite attachés au service du grand parc d'artillerie de l'armée (général Neigre). Resté dans la place de Glogau avec un détachement, le sous-lieutenant Lambert sera, on l'a vu, remplacé par le sous-lieutenant Brunel, de la 6ème compagnie.

 

La nouvelle 2ème compagnie.

La 2ème compagnie ne réapparaît dans les états de situation du corps qu'à la date du 1 février 1814. Elle s'organise alors aux Essarts (près de Rambouillet) où le dépôt du bataillon a été transféré à la suite de l'invasion alliée.

Elle compte alors 120 hommes dont 93 détachés à la 1ère compagnie. Elle est commandée par le lieutenant Calmès, venant de la 4ème compagnie, aidé du sous-lieutenant Bedeaux, venant de la 3ème compagnie.

 

Les 3ème, 4ème, 5ème et 6ème compagnies.

La 3ème compagnie avait servi de 1807 à 1808 en Prusse, en Pologne et en Allemagne avant d'être envoyée en 1810 en Espagne (armée du Centre) où l'on retrouve également les 4ème et 5ème compagnies.

La 6ème compagnie se trouvait aussi en Espagne (armée du Midi) après avoir participé aux campagnes des ans XII et XIII à l'armée de l'Océan, de 1805 en Allemagne, de 1806 et 1807 en Prusse et de 1809 en Autriche.

En février 1813, les hommes de ces compagnies seront versés, pour les 3ème et 4ème, au 2ème bataillon principal du train d'artillerie, et pour les 5ème et 6ème, au 5ème bataillon principal du train d'artillerie. Les cadres de ces compagnies rentreront en France où ils seront complétés par l'incorporation en avril de conscrits de 1814 et d'hommes venant des 8ème bataillon bis du train d'artillerie et du 9ème bataillon principal du train d'artillerie.

En juin et juillet 1813, ces compagnies seront en remonte à Besançon. Elles manquent alors totalement d'habillement et de gibernes, la maison Seillière apportant beaucoup de retard à la fourniture des étoffes. Elles recevront ces effets lors de leur passage à Strasbourg et à Mayence, étant en route pour rejoindre les 4ème et 14ème corps avec lesquels elles feront campagne.

La 3ème compagnie était commandée en Espagne par le sous-lieutenant Claude-Marie Fléchet. Nommé lieutenant, il passera en Espagne à la 3ème compagnie du 2ème bataillon principal du train d'artillerie. Le 6 mai, le sous-lieutenant Brasseur, rentré de Russie, sera nommé lieutenant et le remplacera. On lui adjoint le sous-lieutenant Lombard.

La 4ème compagnie est aux ordres du lieutenant Huot jusqu'à sa nomination comme commandant en troisième du bataillon. Il est pourvu à son remplacement le 8 octobre 1813 par la nomination du sous-lieutenant Calmès, de la 7ème compagnie, au grade de lieutenant. Au début 1814, il passera à la 2ème compagnie et la 4ème sera supprimée après avoir été commandée pendant quelque temps par le sous-lieutenant Brunel, de la 6ème compagnie.

Alors qu'elle était encore en Espagne, cette compagnie avait également comme sous-lieutenant Sébastien Forget. Il est ensuite employé comme adjoint à l'état-major du train à l'armée d'Espagne. Le 1 septembre 1813, il sera nommé aide de camp du général d'Aboville aîné, après être passé lieutenant à la 1ère compagnie du 2ème bataillon principal du train d'artillerie.

Le lieutenant Charles Langlois commande la 5ème compagnie jusqu'à son passage en avril 1813 comme lieutenant dans le 1er régiment du train d'artillerie de la Garde. Il est remplacé par le sous-lieutenant Jacques Durif précédemment maréchal des logis-chef au 1er bataillon bis du train d'artillerie. Ce dernier sera nommé lieutenant le 8 octobre 1813 et l'ex-maréchal des logis-chef Bedeaux de la 5ème compagnie du 5ème bataillon bis du train d'artillerie, nommé sous-lieutenant, lui sera adjoint. Celui-ci passera, en janvier 1814, à la 2ème compagnie. Le lieutenant Durif partira le 9 juillet 1814 pour ses foyers avec traitement de non activité.

Le sous-lieutenant Jacques Pénicaud commande la 6ème compagnie en Espagne. Il sera nommé lieutenant le 6 mai 1813 et à la même date, le maréchal des logis-chef Brunel y sera nommé sous-lieutenant. Il passera à la 1ère compagnie en février 1814.

 

La 7ème compagnie.

Enfin, il sera formé, à partir de la compagnie de dépôt, une 7ème compagnie qui sera attachée à la 3ème division du 3ème corps de la Grande Armée. Elle combattra à Lutzen où elle aura deux hommes tués et six blessés. Quarante-cinq hommes en seront détachés pour faire campagne avec la 1ère compagnie. Cette 7ème compagnie sera commandée par le lieutenant Pichaucourt.

Sébastien-Hyacinthe Pichaucourt, sous-lieutenant au 7ème dragons le 10 mars 1792 et lieutenant au même régiment le 17 germinal an III a été blessé devant Valenciennes d'un éclat d'obus à la jambe droite et a eu la jambe gauche percée d'une balle devant Luxembourg. A la réduction de son régiment de cinq à quatre escadrons, il est réformé et quitte le 7ème dragons le 5 floréal an IV.

Installé fabricant de sucre de betterave et d'indigo pastel dans la région de Thionville, il sollicite l'autorisation de reprendre du service dans le train d'artillerie où il est nommé le 8 avril 1813. Il mourra à Metz des suites de maladies et de fatigues de la retraite le 10 janvier 1814.

Sera aussi attaché à cette compagnie le sous-lieutenant Calmès, nommé lieutenant à la 4ème compagnie le 8 octobre 1813 et remplacé à cette date par le sous-lieutenant Genin, ex-maréchal des logis-chef à cette compagnie.

La 7ème compagnie disparaîtra des états de situation en janvier 1814.

 

La compagnie de dépôt.

Enfin, plusieurs officiers déjà cités seront attachés à des époques différentes et pour des temps variables à la compagnie de dépôt: sous-lieutenant Calmès, Brasseur, Gauthier (ex-maréchal des logis à la 6ème compagnie), Genin, Lambert, Lombard et le lieutenant Péncaud.

 Cette compagnie de dépôt, réorganisée le 21 mars 1813, comprendra entre autres des sous-officiers, des brigadiers, des trompettes, des ouvriers tailleurs, bottiers, cordonniers, culottiers, bourreliers, selliers, chefs de forge, maréchaux-ferrants etc.

C'est en effet que l'incorporation des recrues exige la confection de nombreux équipements, confection qui ne se fait pas aussi vite que le souhaiterait le commandant Delatour: les 3ème, 4ème, 5ème et 6ème compagnies ne pourront être habillées et équipées qu'à leur passage à Strasbourg et à Mayence; les hommes venant de l'infanterie le 20 janvier 1813 pour être incorporés dans la 1ère compagnie ne pourront être habillés que vers la fin février.

Les matières premières manquent et les magasins ne présentent aucune ressource.

Le capitaine Delatour est ainsi obligé de solliciter à plusieurs reprises l'intervention du ministre directeur de l'administration de la Guerre pour obtenir les fonds nécessaires.

Non seulement les matières manquent, mais aussi les tailleurs, ouvriers et sous-officiers. Les officiers du train tentent donc d'attirer vers cette arme des soldats de régiments d'infanterie ou de cavalerie casernés à Metz, ce qui provoque des réclamations de la part des commandants de ces corps. Ainsi, le 20 avril 1813, le major du 100ème de ligne écrit au sujet de la désignation comme brigadier au 11ème bataillon principal du train d'artillerie du fantassin Léon Morel: "cet homme est un des bons ouvriers de notre atelier de tailleurs où il est employé depuis son arrivée au corps; (…) je vous prie de bien vouloir nous laisser cet ouvrier. Je dois profiter de cette circonstance pour faire connaître à votre Excellence que les bataillons du train d'artillerie et des équipages sont ici à l'affût de tous les sujets que les dépôts d'infanterie se donnent beaucoup de peine à former pour en faire des fourriers ou des sous-officiers. Ils se procurent les noms de ces hommes et sans en prévenir les chefs de dépôts, demandent leur passage à votre Excellence. S'ils continuent ce système, il ne nous restera aucune ressource pour faire des sous-officiers. Ces corps reçoivent des conscrits comme nous, et ont les mêmes moyens de se former des sujets."

Il ne semble pas que ces réclamations aient eu quelques effets.

 

Pertes de la 1ère compagnie.

Pour terminer cette brève évocation, nous aurions aimé dresser un état des pertes du bataillon en 1813-1814. Cependant, nous avons dû constater d'importantes divergences entre les chiffres tirés des états de situation du 11ème bataillon principal du train d'artillerie, des registres matricules et des états de situation des corps d'armée (et notamment du 5ème corps). Néanmoins, nous avons dépouillé les registres matricules pour étudier de plus près la 1ère compagnie.

Nous y avons dénombré avec certitude 282 hommes qui y ont été incorporés entre le 7 novembre 1812 et le 1 mars 1814.

Nous les avons classés selon les motifs qui les ont éloignés de leurs corps. Sur 73 soldats faits prisonniers à Löwenberg le 29 août 1813 (les états du 5ème corps au 15 septembre portent, pour la 1ère compagnie et le détachement de la 7ème qui l'accompagnait 98 hommes prisonniers), 2 seulement sont rentrés au corps après la paix et furent congédiés. Deux soldats furent encore pris en février et deux autres en mars 1814. Total des prisonniers non rentrés: 75.

Ont été rayés pour longue absence: 1 soldat en septembre 1813, 18 en octobre, 3 en novembre, 20 en décembre, 25 en février 1814, 13 en juin et 9 en juillet. Total des rayés: 89.

Trois hommes ont été tués ou sont morts des suites de blessures. La maladie a provoqué plus de dégâts que les balles: un homme est mort en mai 1813, un autre en juin, un autre encore en septembre, 4 en novembre, 2 en décembre, 6 en janvier 1814 et un en février. Total des soldats morts de maladie: 16.

Pour ce qui est des désertions, aucune n'est signalée en 1813. Un homme déserte en janvier 1814, deux en février, 32 en avril, 4 en mai et autant en juillet. Total des déserteurs: 43.

Deux hommes sont passés à d'autres corps en 1813 et 9 en août et septembre 1814. Total: 11.

Enfin, neuf hommes seront réformés à la revue du 27 août 1814 (la plupart pour blessure à la main droite), 25 seront congédiés et 11 seront renvoyés dans leurs foyers comme étrangers (août et septembre 1814).

On pourrait donc conclure que les pertes ont été très importantes puisque sur ces 282 hommes, seuls 52 ont terminé avec certitude les campagnes de 1813 et 1814 avec leur corps, soit 18,4 % de l'effectif.

Il faut cependant remarquer que certains prisonniers ont pu rentrer après la dissolution du corps, que parmi ceux-ci, comme parmi ceux qui ont été rayés, il s'en trouvait un grand nombre issus des départements réunis qui ont pu rentrer directement chez eux.

Il est donc difficile de tirer des conclusions précises de ces chiffres. Mais mêmes si les pertes qu'ils indiquent sont exagérées, il est certain que la 1ère compagnie a payé un lourd tribut puisque le souvenir s'en est conservé dans la descendance d'un de ces soldats.

 

Effectifs du bataillon.

Si l'on tient compte des états de situation du corps (excepté ceux des 1 décembre, 1813, 1 avril, 1 mai et 1 juin 1814 qui ont disparu), on notera au 1 janvier 1813 un effectif total de 794 hommes et 863 chevaux. Ces effectifs augmenteront jusqu'à atteindre le maximum de 1.055 hommes (1er août 1813) et 1.466 chevaux (1er novembre 1813). Nous résumons dans les tableaux en annexe les gains et pertes du corps en hommes et en chevaux.

Quant aux désertions, on remarquera que la majorité d'entre elles se sont produites dans les jours qui ont suivi l'abdication de l'Empereur (entre le 9 et le 15 avril 1814).

L'armée était alors démoralisée, tous les récits concordent sur ce point. "Des officiers brisèrent leur épée, s'arrachaient leurs propres épaulettes…, les soldats brisaient et jetaient surtout leurs armes…"

Ainsi s'écroule l'Empire et aussitôt, on se hâte de répartir l'armée en en dispersant les différents corps (Rouen, Evreux, Chartres, Nevers etc.).

Nous avons vu que le dépôt du 11ème bataillon principal du train d'artillerie se trouvait à Metz jusqu'au début janvier 1814. Il va alors être transféré aux Essarts, près de Rambouillet, où il sera encore en mars. Les états d'avril, mai et juin manquent dans les dossiers de Vincennes. Mais au 1er juillet 1814, le dépôt et toutes les compagnies auront rejoint Metz.

Au 1 septembre 1814, il restera au corps 162 hommes présents et 12 chevaux.

Le 12 mai, le gouvernement royal réorganisait le train d'artillerie en quatre escadrons qui seront portés à huit par ordonnance du 9 septembre 1814.

Les quelques rares soldats du 11ème bataillon principal du train d'artillerie qui seront maintenus en service seront alors versés dans l'escadron dit provisoire, ensuite dans les 2ème et 6ème escadrons du train d'artillerie.

 

 

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